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Cet enseignement a été donné dans le cadre d’un des week-ends pour célibataires chrétiens à Ars, en février 2014. Ces week-ends sont organisés par l’association Homme et femme Il les créa.

I.   Nous sommes déjà tous saints par le baptême

Voici ce que dit la première phrase de l’exhortation Evangelii Gaudium, « programme » du pape François : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus ».

Dieu me crée par amour. Son but est de me faire devenir comme lui. Il veut que je devienne saint comme lui-même est saint.

La joie de Dieu est pour moi. En rencontrant Jésus, je trouve la vraie joie, la joie d’être ce pour quoi j’ai été créé. Cette joie, c’est d’être uni à Dieu, être bienheureux de sa béatitude, être saint de sa sainteté.

La sainteté de Dieu est déposée en moi dès mon baptême. J’accueille la sainteté de Dieu dès que je me relève de l’eau du baptême. C’est fait, je suis déjà constitué saint, je suis déjà passé de la mort à la vie de Dieu, comme le dit Paul.

Colossiens 3, 1 : « Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut [c’est-à-dire la sainteté], là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. »

Colossiens 2, 12 : « Ensevelis avec lui lors du baptême, vous êtes aussi ressuscités avec lui, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui l’a ressuscité des morts. »

Je suis déjà ressuscité aujourd’hui, maintenant. Je ne meurs plus. « Celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais, le crois-tu ? » Jean 11, 27. La mort corporelle est le passage de l’autre côté du voile. La dernière parole de la bienheureuse Elizabeth de la Trinité fut : « Je vais à la lumière, à l’amour, à la vie. » Elle sait que c’est la vie en plénitude qui l’attend, et non la mort.

Dieu me sanctifie déjà, il est heureux de vivre déjà avec moi, de me donner son amour avec surabondance. Il veut m’unir à lui, et cette sanctification sera totale quand il me prendra avec lui pour le face à face final.

Je suis saint avant même d’être conscient ! Dieu me revêt de sa sainteté sans que j’ai fait quoi que ce soit. Toute la vie chrétienne se vit sur un fond de passivité, car Dieu est le premier acteur de ma vie. Ce n’est pas du quiétisme. C’est la nature des choses que je doive d’abord recevoir Dieu avant de pouvoir le donner autour de moi. Cela ne veut pas dire que tout ce que je fais est bon, cela veut que dire que la sainteté de Dieu est mienne si je l’accepte dans ma vie.

Citation d’un des deux textes majeurs du Concile Vatican II (1963-1965), Lumen Gentium, constitution dogmatique (1964) §40 : « Les disciples du Christ sont véritablement devenus par le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la nature divine et, par la même, réellement saints. Cette sanctification qu’ils ont reçue, il leur faut donc, avec la grâce de Dieu, la conserver et l’achever par leur vie. »

Cette phrase est l’axe de tout ce qui va être dit sur la sainteté. Elle constitue un fondement qui ne passera pas : il s’agit d’un texte dogmatique, et comme tel il fait partie de la Révélation que Dieu fait de lui-même au monde.

Nous venons de voir que nous sommes déjà saint. Les Pères du Concile nous apprennent que cette sanctification doit être non seulement conservée, mais aussi portée à son achèvement, et cela ne peux se faire sans nous.

Cependant, nous pouvons abandonner cette sainteté en ne laissant pas la grâce de Dieu la faire grandir. Cet abandon peut être du à des causes extérieures : le fait de l’ignorance (aucune formation chrétienne), d’un milieu défavorable (famille non croyante), d’un refus lié à un scandale (contre-témoignage d’un ou des chrétiens). Il peut aussi être plus volontaire : rejeter la foi par confort, par égoïsme, par volonté de puissance… Elle peut être également dûe au découragement habituel chez un chrétien qui veut faire le bien : je retombe toujours dans le péché, souvent d’ailleurs dans le même péché, et donc la sainteté n’est pas pour moi.

Retenons donc un premier point fondamental : nous sommes saints par le baptême, il nous revient d’accepter que Dieu fasse grandir cette sainteté en nous, en particulier en accueillant son pardon pour toutes nos chutes.

II.   Vaincre les clichés et obstacles sur la sainteté

Maintenant enterrons les fausses idées les plus communes sur la sainteté.

– La sainteté est réservée à une petite élite de héros, de mystiques, de surhommes. Des êtres tellement supérieurs à moi que je ne peux en aucun cas leur ressembler. Et puis ça serait de l’orgueil.

FAUX : l’appel est universel. « Tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur condition et leur état de vie, sont appelés par Dieu, chacun dans sa route, à une sainteté dont la perfection est celle même du Père. » Lumen Gentium 11.

Alors on peut se dire : regardez le Curé d’Ars. Il mangeait 3 pommes de terre par jour, dormait 2 heures par nuit, confessait 17 heures par jour, luttait contre le démon, et se fouettait tellement que le sang jaillissait et qu’il s’évanouissait.

Mais le chrétien qui tente de faire ça dans sa vie va mourir !

La sainteté ne consiste ni dans la quantité et la qualité des austérités, ni dans les phénomènes surnaturels, ni dans une volonté de fer, ni dans un courage absolu devant le martyr, ni dans l’accueil des épreuves avec humour. Les saints contemporains ont eu peur, très peur, certains sont tombés, parfois plusieurs fois, mais ils se sont relevés. La sainteté peut conduire à l’héroïsme visible, mais elle ne prend ce visage qu’exceptionnellement.

– Je n’y arriverai jamais puisque je suis plein de péchés. La perfection n’est pas pour moi et je dois simplement essayer de me corriger chaque jour.

FAUX : la perfection que Dieu me donne est la perfection de la charité et non la perfection morale. Une part énorme de la littérature chrétienne laisse entendre, explicitement ou non, que la sainteté se résume, ou bien est surtout une lutte contre le péché.

Cette erreur est commune depuis les commencements du christianisme et durera probablement jusqu’à la venue du Seigneur, et elle retient un nombre immense de chrétiens d’avancer vers la sainteté.

Si je vois la sainteté comme l’absence de péché, je suis condamné sans appel au découragement. Je regarde mon péché plus que Dieu, et au lieu que ma vie soit une quête de Dieu, elle est une recherche de mes péchés les plus cachés pour essayer de les éradiquer. Énorme erreur ! Perte d’énergie colossale !

Plus je chercherai Dieu, moins mon péché m’apparaîtra comme un obstacle. Le démon se réjouit bien plus de mon découragement après le péché que du péché lui-même. Ce découragement est une des armes les plus puissantes de son arsenal, et il s’en sert tout le temps, car il sait que nous allons inévitablement pécher.

Je peux me comparer à un vase rempli d’un liquide épais, visqueux et sombre. Je peux chercher à le vider en puisant péniblement à l’intérieur pour le vider. Ainsi, j’espère que Dieu daignera enfin verser l’eau pure de sa grâce dans mon vase bien propre.

Je peux aussi demander à Dieu de verser son eau pure immédiatement dans le vase.

C’est lui qui fait le travail de purification de la manière qu’il veut, quand il veut et à la cadence qu’il veut. Et s’il permet que je commette toujours les mêmes péchés, il ne sert à rien de me lamenter :

« Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse. » 2 Corinthiens, 12, 9.

« Il ne s’est pas occupé des œuvres de justice que nous avions pu accomplir, mais, poussé par sa seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de la régénération et de la rénovation en l’Esprit Saint. Et cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur » Tite, 3, 5-6

Le sacrement de confession est là pour que nous recevions la miséricorde de Dieu. Une fois l’absolution reçue, je rends toute grâce à Dieu pour le pardon reçu, puis je me centre à nouveau sur Dieu, je ne regarde plus en arrière, mais je le regarde lui, mon Sauveur et Seigneur, celui qui est la sainteté même.

– J’ai peur de souffrir. On voit tous les saints souffrir, et souvent souffrir terriblement. Il y en a même qui aiment ça.

TROMPEUR : le bonheur de connaître Dieu surpasse la souffrance, qui est inhérente à notre condition. Aujourd’hui, autour de nous, le bonheur est souvent vu comme la minimisation de la souffrance. Dieu ne veut pas la souffrance. Mais Dieu nous appelle le choisir, à poser des choix pour lui. Ces choix peuvent avoir pour conséquence une souffrance.

Il en est de même d’un point de vue purement humain. Même sans Dieu, ceux qui veulent mener une vie droite souffrent, parce qu’ils refusent la facilité du mensonge, la facilité d’abandonner leurs proches ou d’autres êtres en souffrance.

Le remède à cette peur, c’est de se livrer toujours plus à Dieu et de le supplier de rendre mon amour pour lui plus fort que ma peur. Comme le dit Panoramix dans Astérix chez les Normands, « C’est en connaissant la peur qu’on devient courageux. Le vrai courage, c’est de savoir dominer sa peur ». Je peux dominer cette peur avec la grâce de Dieu. C’est une collaboration. Si je succombe à ma peur, sa miséricorde est toujours là pour me relever, je peux toujours être pardonné d’être tombé, même 77 fois 7 fois.

– Dieu est peut-être une personne, mais une personne loin de moi. Même si je suis pratiquant, je n’ai pas de relation directe avec lui. Je ne l’entends pas et il ne me parle pas.

CELA PEUT CHANGER

Catéchèse, octobre 2009, Benoît XVI :

« Pour saint Bernard (docteur de l’Église, XIIe siècle), la vraie connaissance de Dieu consiste dans l’expérience personnelle de Jésus Christ et de son amour. La foi est avant tout une rencontre intime avec Jésus, qui nous permet de faire l’expérience de sa proximité, de son amitié, de son amour. C’est seulement ainsi qu’on apprend à le connaître toujours plus, à l’aimer et à le suivre. Que cela se réalise pour chacun de nous ! »

– Je ne suis qu’un laïc. Regardez les saints que l’Église célèbre tous les jours : uniquement des martyrs, des prêtres et évêques, des religieux, des fondateurs, des rois et des reines, ou bien certains de leurs parents.

TROMPEUR : les saints canonisés ne constituent qu’une infime partie de ceux qui sont devant la face de Dieu, et que nous fêtons à la Toussaint.

Saint François de Sales, docteur de l’Église, Introduction à la vie dévote (1609, Préface) :

« Ceux qui ont traité de la dévotion [sainteté] ont presque tous regardé l’instruction des personnes fort retirées du commerce [de la vie] du monde, ou au moins ont enseigné une sorte de dévotion [sainteté] qui conduit à une entière retraite.

Mon intention est d’instruire ceux qui vivent [dans les] villes […] ;

et par leur condition sont obligés de faire une vie commune quant à l’extérieur ;

lesquels bien souvent, sous le prétexte d’une prétendue impossibilité, ne veulent pas seulement penser à l’entreprise de la vie dévote [sainte],

leur étant avis que […] nul homme ne peut prétendre à la palme de la piété [sainteté] chrétienne, tandis qu’il vit parmi la presse des affaires temporelles ».

Dieu veut me donner sa sainteté ici, maintenant, dans l’état dans lequel je suis, même si je suis sale, pécheur, découragé, dégoûté de la vie, inquiet par rapport à mon état de vie, mon travail, la dureté du monde et son immense éloignement de Dieu.

Si je veux changer, si je veux rendre à Dieu la gloire qui lui est due, si je veux m’aimer tel que je suis, si je veux faire du bien à mon entourage et au monde, il n’y aucun moyen plus puissant que d’accepter cette transformation intérieure par l’accueil de la sainteté de Dieu, d’accepter qu’il fasse de moi un saint canonisable.

C’est lui qui va faire ça, j’en suis incapable et il le sait.

Mais il attend de moi une solide détermination.

Cette détermination elle-même est une grâce de Dieu, je ne peux pas la produire moi-même, comme le dit saint Claude la Colombière (†1682) dans son acte de consécration au Sacré-Cœur :

« Je sens en moi une grande volonté de vous plaire

et une grande impuissance d’en venir à bout

sans une grande lumière et un secours très particulier

que je ne puis attendre que de Vous.

Faites en moi votre volonté, Seigneur,

je m’y oppose, je le sens bien ; mais je voudrais bien,

ce me semble, ne m’y opposer pas.

C’est à Vous à tout faire, Divin Cœur de Jésus-Christ. »

Oui Seigneur, je VEUX être saint, car je crois que tu es bon et que tu me veux saint comme tu es saint, et que tu vas le faire. Je vais grandir en sainteté, ou si je préfère, je vais commencer ma descente vers l’humilité.

Saint Claude la Colombière

Voir aussi : La Transfiguration de Jésus, lumière dans nos ténèbres

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