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Nazim Nour Ahmad est arrivé d’Afghanistan en Suisse pour fuir le chaos dans son pays et trouver une vie meilleure. Venu d’une famille campagnarde, il a réussi par sa force de caractère à devenir juriste.

Soucieux de la vie bonne au sens des philosophes de l’Antiquité, il s’est inspiré d’eux pour développer sans cesse de nouvelles capacités en utilisant sa raison.

Sur son blog, il explique comment il a vécu le confinement, et nous apprenons que, loin de se laisser submerger par le stress et le découragement, il décidé de tirer parti de cette période autant que cela était possible pour lui.

Comme il dit, il s’est « fixé quelques règles et objectifs que [il a] suivis plus ou moins fidèlement. Cela [lui] a permis d’agir en toute lucidité, de ne pas avoir peur de la pandémie et, ainsi, de passer la période de semi-confinement en paix avec [lui]-même et avec les autres ».

En bon philosophe, il a réfléchi avant de passer à l’action, et si nous ne faisons pas de même, nous risquons de vivre ce deuxième confinement comme des mouches agitées qui se posent partout et nulle part, « affairées sans rien faire » comme le dit saint Paul.

Dans sa stratégie, voici certains points qu’il a dégagés et qui peuvent nous aider :

  • faire ce qui est en son pouvoir et ne pas s’occuper du reste, ce qui limite la peur et l’angoisse
  • s’informer de manière raisonnable : prendre des sources écrites fiables une fois par jour et surtout ne pas se laisser à consulter les flots de pseudo informations des réseaux sociaux et des chaînes d’information continues
  • faire au moins une activité qui demande une vraie concentration : lecture, écriture, jeu de société, exercice physique, jardinage, bricolage… Le confinement peut nous donner des possibilités pour développer nos capacités mentales. L’attention soutenue et la réflexion sont des capacités fondamentales pour ceux qui ne veulent pas vivre soumis à leurs instincts
  • relever le défi de développer une nouvelle compétence ou d’améliorer significativement une compétence existante. Nazim a utilisé son confinement pour progresser en allemand. Déjà parfaitement francophone comme on le voit sur son blog, il a augmenté son niveau de B1 à B2 selon le Cadre européen de référence pour les langues. Un défi clair, du travail sérieux et régulier, un résultat mesurable, rien de tel pour grandir dans la confiance en soi. Il a en plus reçu la gratification d’un « voyage immobile » authentique : « en lisant en allemand et en écoutant les discours des intellectuels germanophones […], j’avais l’impression d’avoir mis les pieds dans un monde nouveau, vaste et fascinant. »

Ce nouveau confinement peut être vécu de bien des manières.
Je pense que Nazim est un exemple pour nous lorsqu’il nous invite à prendre du temps pour nous y préparer. Bien sûr, nos projets sont très souvent contrariés, nos plans sophistiqués sont très vite remis en cause par les événements, surtout lorsqu’on est pris par le travail et la vie de famille.
Mais rien ne nous empêche de chercher un moment au cours de ces toutes premières journées pour décider quelles attitudes générales nous voulons adopter et quels défis nous voulons relever en ce mois de novembre si particulier.

Chez les chrétiens, bâtir est dans nos gênes. Jésus dit à Pierre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Matthieu 16, 18). Il est aussi écrit : « Si le Seigneur ne bâtit la maison, les bâtisseurs travaillent en vain. » (Psaume 126). Jésus dit encore : « Sans moi vous ne pouvez rien faire. » (Jean 15, 4).

Pour les chrétiens, la réflexion avant l’action doit se faire dans la prière. Mettre Dieu de côté quand nous voulons bâtir quelque chose, c’est donc ne rien faire pour le Royaume, c’est faire moins et moins bien que ce que Dieu veut faire avec nous, c’est « s’agiter sans rien faire ».

Des milliers de pensées se forment dans notre cerveau chaque heure que nous vivons.
Quand nous nous recueillons et demandons à Dieu de calmer notre esprit pour l’écouter, nous sommes mis en état de discerner ce qu’il veut que nous fassions.
Dans le dialogue avec Dieu, même de 5 minutes, nous tentons de nous tourner vers un autre plutôt que de faire attention au bruyant flux des pensées qui assaillent notre esprit en permanence, nous laissons à Dieu une place.
Le simple fait de chercher à ne plus nous regarder et de nous focaliser sur plus grand est déjà une manière de désencombrer notre esprit pour prendre de la hauteur, et voir plus lucidement :

  • les choses possibles
  • dans les choses possibles, celles qui sont les meilleures
  • quelles sont les moyens à prendre pour les réaliser
  • comment tenir dans notre résolution de les accomplir

Dieu cherche des co-bâtisseurs, des collaborateurs pour bâtir son Royaume, comme il l’a dit à Pierre.
La prière quotidienne, même brève, c’est comme une réunion de chantier : chacun dit où il en est et donne son avis sur la suite des opérations
Un paysan d’Ars, interrogé par le saint curé qui lui demandait ce qu’il faisait en priant, répondait en parlant de Dieu : « Je l’avise et il m’avise ».
Ce paysan avait tout compris. Il pratiquait la prière de demande et la prière contemplative d’un même mouvement intérieur, en toute simplicité.
Un homme avisé est un homme qui réfléchit et qui prend conseil à bonne source.

Au seuil de ce nouveau confinement, la peur panique, le découragement, la dépression, l’égoïsme, la paresse, le laisser-aller et d’autres attitudes sont de réelles tentations, tapies à notre porte, prêtes à nous surprendre si nous négligeons de poser un acte intérieur de force et de confiance en Dieu.

Ce confinement peut même être un nouveau départ pour notre vie spirituelle et notre vie tout court. Si au moins nous acceptons l’idée que ce soit possible, c’est déjà très bien !!!

J’espère vous avoir donné du courage pour le dur temps d’épreuve qui s’annonce, temps qui vient après déjà de longs mois d’épreuves.

Tous, il nous arrive de perdre du temps, de nous dire que nous gâchons notre vie, de nous décourager. Alors n’hésitons pas à nous appuyer sur les bons moyens que nous avons à notre disposition, comme dit plus haut.

En annexe, voici des propositions de défis et d’actions pour ne pas subir mais accomplir notre vocation de bâtisseurs.

ANNEXE

Mes propositions sont d’ordres spirituelles, intellectuelles, corporelles et relationnelles. Je serai heureux de les enrichir si vous m’en donnez d’autres dans les commentaires que vous pouvez laisser sous cet article.

Même si certaines propositions incluent les écrans, il est absolument évident que rien de tout cela ne pourra se faire sans une décision énergique de contrôler étroitement notre consommation d’écran. On peut trouver en ligne un nombre important de conseils, et aussi de programmes qui nous alertent que nous avons dépassé un temps donné sur l’ordinateur, c’est le principe du « pomodoro ». À nous de nous réguler aussi sur notre téléphone, c’est totalement indispensable, ça serait déjà une belle victoire de ce confinement.

1/4 Propositions spirituelles
Pas de gourmandise, il vaut mieux mettre en place solidement une ou deux choses plutôt que de tout lancer à la fois et de tout rater. Alors que faire ?

  • prendre chaque jour un temps pour converser avec Dieu, comme le paysan d’Ars. Dans le monde entier, des millions de chrétiens pratiquent ce type de prière, qu’on appelle l’oraison. Beaucoup de personnes ont des temps libres importants. Mais même une personne en famille très prise par ses enfants ou son travail peut demander à Dieu de trouver la force de ménager quelques minutes par jour ou plusieurs fois par semaines pour faire la « réunion de chantier » dont je parlais plus haut. On peut se référer à plusieurs article déjà écrits sur ce site concernant la prière contemplative.
  • pour ceux qui ne sont pas rebutés par la répétition, une dizaine de chapelet ou un chapelet entier dit en tâchant de se concentrer peut être une aide précieuse pour détourner le flux incessant des pensées parasites
  • prendre 2 minutes, 5 minutes ou plus pour lire un Évangile en continu, ou une lettre de saint Paul, est quelque chose d’excellent pour nous rapprocher de Jésus. En effet, à la messe, nous n’entendons que des fragments décousus de ces Évangiles qui sont les 4 joyaux les plus éclatants de nos livres saints (Bible = bibliothèque des 73 livres de l’Ancien et du Nouveau Testament). Il est très bon pour nous de saisir chaque Évangile sans son intégralité, ou au moins par grande partie, faute de quoi nous en resterons à une vision émiettée de notre foi
  • de même, prendre quelques minutes pour lire le Catéchisme de l’Église catholique, disponible en ligne, c’est nous donner la possibilité d’avoir une vision organique de la foi chrétienne, et non plus des bribes agencées de bric et de broc, comme une guimbarde dont chaque pièce viendrait d’une voiture différente
  • louer et prier ensemble. J’ai parlé jusqu’ici de propositions individuelles, mais la foi combine indissociablement les dimensions personnelle et communautaire. Même chez les moines on n’est pas chrétien tout seul. Proposer à ceux qui sont confinés avec moi de prier ensemble, s’ils sont croyants, c’est leur rendre un énorme service, et ça peut être tout simple, les ressources existent sur Internet, avec tous les chants diffusés en vidéo par exemple.
  • mettre en place un temps de partage biblique entre confinés. Prendre un temps pour partager sur les lectures du jour ou bien sur un passage du Catéchisme ou d’un auteur spirituel, c’est grandir dans la connaissance des Écritures. On peut utiliser par exemple Zoom ou Skype.
  • utiliser les moyens de prier ensemble par Internet. Le site Hozana.org propose des communautés de prière et il y a beaucoup d’échanges pour s’encourager dans la prière. Pourquoi ne pas monter des groupes de prière à distance avec des membres de votre paroisse ou d’une communauté dont vous vous sentez proche ?

2/4 Propositions intellectuelles
De peu occupé à très très occupé, nous ne sommes pas égaux devant le temps que nous pouvons consacrer à cultiver notre esprit. Mais dégager quelques minutes par jour, ou plus si possible, pour se plonger dans une véritable activité culturelle est quelque chose qui ne peut qu’être bonne et saine pour nous, même si ça nous demande d’abord un effort. Travailler son esprit, c’est un état d’esprit, justement.

  • Un bon livre est un ami fidèle. Sur téléphone, tablette ou papier, c’est le moment de rattraper la lecture en retard et de cultiver une faculté très gravement en danger : la capacité de saisir une pensée profonde et développée. Nous sommes environnés de distractions : textos, notifications, courriels auxquels répondre en urgence… et notre cerveau peut finalement devenir rétif à la pensée développée, élaborée, qui est un trésor de notre culture. Cela fait des siècles qu’en Occident, on cherche à polir la pensée comme une pierre précieuse, à trouver la formulation juste et belle. Alors oui, clairement, choisissons quelques bons livres fondamentaux, et prenons le temps de les lire posément. C’est un cadeau pour nous et pour les autres que de cultiver un esprit pondéré, capable de recul et sens critique, en un mot d’authentique sagesse.
  • Pourquoi ne pas se lancer dans un vrai apprentissage, comme Nazim. Langue, musique, portion d’histoire, courant philosophique ou initiation à un domaine que je ne connais pas, tout cela ouvre mon monde intérieur à de nouvelles dimensions, me donne des joies à partager avec mes proches et une gratification personnelle qui est le fruit de mes efforts.
  • Il existe une profusion de bons documentaires sur un nombre de sujets incroyables. C’est déjà moins coûteux en effort, pour beaucoup, que de se plonger dans un livre.
  • Il existe toutes sortes de vidéos de conférences passionnantes sur Internet. Pourquoi se priver de découvrir des sujets que l’on ignore complètement ? Récemment j’ai découvert de courtes vidéos de descriptions sur le squelette et la musculature humaines qui m’ont donné envie de faire davantage d’exercice : j’ai bien compris le bénéfice pour moi !
  • Il existe de plus en plus des formations en ligne, plus ou moins interactives, sur à peu près tous les sujets.

3/4 Propositions corporelles
Le confinement peut être un bon moment pour faire le point sur la manière dont nous entretenons et améliorons notre condition physique. Certains s’en moquent complètement, d’autres voudraient bien faire mieux mais n’ont pas le temps ou la ferme volonté de s’en préoccuper, d’autres sont parfaitement au point.
Les anciens disaient « Mens sana in corpore sano », c’est à dire « Un esprit sain dans un corps sain ».
Cet adage reste valable aujourd’hui. Le confinement peut être l’occasion de travailler les deux, comme vu ci-dessus.
Alors que pouvons-nous faire ?

  • établir deux listes de toutes les possibilités concrètes d’exercices, une pour pendant le confinement, une pour après. Ces listes doivent inclure ce que je peux faire matériellement (pas de tour du monde en solo à la voile !) et aussi ce que j’aime faire.
  • Liste de confinement : décider quoi faire pendant l’heure disponible à l’extérieur, décider quels sont les exercices qu’on pourrait faire à domicile. Je traite ça dans les deux points ci-dessous.
  • Sortir une heure par jour. Il est impératif de ne pas laisser passer cette opportunité. Marcher ou courir, peu importe, mais le corps humain n’est pas fait pour rester dans un espace clos sans bouger ou presque. Pendant des milliers d’années, les êtres humains vivaient surtout dehors, souvent obligés de se déplacer pour se nourrir. Notre corps n’ayant pas eu le temps d’évoluer depuis la sédentarisation, nous devons faire droit à ce que nous sommes. Tout dans notre corps, que ce soit nos muscles, notre circulation sanguine, notre cerveau et tant d’autres choses, a besoin de mouvement et d’oxygène frais. Ne vous étonnez pas de maux de tête ou de douleurs articulaires si vous ne faites aucun exercice, c’est votre corps qui exprime ses manques, tout simplement.
  • Faire des exercices à domicile. Beaucoup se moquent des salles de musculation, mais pourtant nos muscles ont besoin d’être étirés et exercés régulièrement, faute de quoi le vieillissement risque de nous tomber dessus bien avant que nous ne le voulions. Il existe toutes sortes de bonnes ressources sur Internet, faites par des kinésithérapeutes ou d’autres professionnels de santé, et qui proposent des exercices tout simples qui ne demandent pratiquement aucun matériel. Souvent, un simple tapis de sol suffit, ou même une serviette. Une séance de 10 minutes par jour peut déjà être bénéfique, c’est toujours mieux qu’une demi-heure une fois par semaine.
  • Liste pour après le confinement : elle sera évidemment plus variée. Il s’agit de choisir, en plus des petits exercices quotidiens, une activité régulière, à faire au moins chaque semaine. À chacun de faire ses essais, il est évidemment plus facile de maintenir ses résolutions quand on est plusieurs. Nous avons la chance en France d’avoir beaucoup de sports pour tous les goûts, profitons-en.

4/4 Propositions relationnelles
Le confinement limite notre vie sociale pour limiter la circulation du virus. Est-ce pour autant que nous devons faire une croix sur la profondeur de nos relations. Certes non ! Alors que faire ?

  • ne pas laisser les écrans interférer dans mes relations avec ceux qui sont près de moi. Exemple : mettre le téléphone dans une autre pièce pendant tous les temps communs, ou au minimum ne pas le sortir de la poche en cas de sonnerie ou de notification.
  • resserrer les liens avec nos proches qui ne sont pas là. Avec le téléphone et la visio, même si nous n’aimons pas ces moyens, nous pouvons nous poser comme défi d’appeler des gens avec qui nous n’avons pas eu de contacts depuis longtemps. Nous pouvons aussi appeler régulièrement des gens avec qui nous n’avons pour l’instant que des contacts épisodiques et qui ont particulièrement besoin d’une oreille attentive. À nous de décider et de tenir.
  • décider de concentrer davantage d’attention et d’écoute à ceux avec qui nous sommes confinés. Parfois, les relations se tendent, mais c’est un défi que de décider intérieurement de maintenir coûte que coûte un climat de paix, d’écoute et de réconciliation avec ceux qui m’entourent. Le bénéfice est évident, tant pour la bonne entente immédiate que pour ma capacité future à construire des relations belles et fécondes.
  • écrire un courriel ou une lettre plutôt que de téléphoner. Le téléphone comme la conversation suppose une communication synchronisée, à double sens. La réponse doit être immédiate. Quand on écrit, on peut laisser sa pensée se développer sans être interrompue par notre destinataire. On peut donc aller au bout de toutes les choses belles et intéressantes qu’on souhaite lui dire. Le confinement est une invitation naturelle à l’écriture comme à la lecture, sauf bien sûr pour ceux qui ne sont pas moins accaparés par leurs devoirs qu’en temps normal. Il serait dommage de ne pas profiter de cette possibilité d’écriture plutôt rare en temps normal.

Je n’ai pas parlé de toutes les bonnes propositions que l’on lit un peu partout sur les activités manuelles en confinement car justement tout le monde en parle : jardinage, activités artistiques, jeux… Tout cela est très bon, d’autant plus qu’on le fait en présence de Dieu.

Maintenant, à chacun de se fixer les défis qui lui semblent réalisables, en dosant prudence et audace, pour goûter toute la saveur de la vie.

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