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Saint Jérôme étudiant la Bible

Cet article a pour but de nous montrer combien notre connaissance de la Parole de Dieu est toujours à reprendre et à parfaire. Aucun chrétien ne peut se contenter des lectures du dimanche, le Seigneur nous invite à puiser toujours davantage au trésor de sa Parole.

En vue d’une entrée pleine et entière dans le mystère de la liturgie, Jean-Paul II assure que : « La tâche la plus urgente est celle de la formation biblique et liturgique du peuple de Dieu, pasteurs et fidèles. » (Jean-Paul II, Lettre apostolique Vicesimus quintus annus, §15, 1989).

Il reprend ainsi une injonction de la Parole de Dieu elle-même par la bouche de Paul : « Que la Parole du Christ réside chez vous en abondance : instruisez-vous en toute sagesse par des admonitions réciproques. » (Colossiens, 3, 16)
Je développe ci-dessous une des raisons majeures de cette nécessité de formation.
Si nous avons l’habitude d’aller à la messe ou si nous lisons notre Bible tout seul, il est très difficile ou impossible de saisir l’intention de l’auteur. En effet, le contexte historique et intellectuel des Textes sacrés est si éloigné du nôtre que les contresens sont garantis sans guide de lecture sérieux, que ce soit un livre ou un cours. D’autre part, pendant la messe, nous n’entendons que des fragments discontinus qui ne représentent qu’une fraction de la Bible, surtout pour l’Ancien Testament. Parmi d’autres éléments, la mise en contexte nous aide donc grandement à entrer dans les Textes sacrés.
Je prends deux textes très connus, desquels je tire à chaque fois deux exemples.

I. Les Béatitudes
Dans le passage très célèbre des Béatitudes (Matthieu, 5, 1), on nous dit que Jésus « gravit la montagne ». Belle montagne en effet, une butte de 50m de hauteur maximum ! Alors pourquoi une telle mention de l’évangéliste ? Jésus est le nouveau Moïse. Il monte sur un autre Sinaï et déclame de nouvelles Tables de la Loi de Dieu.

En allant encore plus loin, on peut dire que Jésus affirme sa divinité car c’est lui-même qui donne ces nouvelles Tables, c’est Dieu même qui enseigne son peuple. Là où le peuple israélite avait peur et demandait un intermédiaire entre lui et Dieu (Moïse), Jésus parle directement au peuple de ses disciples, depuis une « montagne » infiniment moins élevée que le Sinaï, car ce n’est plus le Dieu du tonnerre qui parle, mais le Dieu fait homme, doux et humble de cœur, qui s’est incarné par miséricorde.
Voici un rapprochement qu’il n’est pas possible de faire sans connaître et analyser le fameux passage où Moïse descend du Sinaï avec les Tables de la Loi. C’est simple, mais on n’y pense pas forcément.

Autre exemple dans le même verset. Il est dit de Jésus : « quand il fut assis, ses disciples s’approchèrent de lui. Et prenant la parole, il les enseignait ». Voilà qui est étrange. Pourquoi Jésus s’assoit-il ? N’est-il pas logique de parler debout à une foule pareille pour être mieux entendu ? Juste avant, on nous disait : « Des foules nombreuses se mirent à le suivre, de la Galilée, de la Décapole, de Jérusalem, de la Judée et de la Transjordane. » On peut imaginer que plusieurs centaines, ou même plusieurs milliers de personnes tentaient d’écouter Jésus !
De plus, on voit bien, le jour de la Pentecôte, les apôtres prêcher debout.
Voici l’explication. La position assise, dans la culture de l’époque, est la position du maître qui enseigne ses disciples. Il y a une familiarité dans cette position, qui implique que le maître n’a pas une position écrasante dans sa relation avec son ou ses disciples.

II. La Passion de Jésus : il prit la condition d’esclave
Dans la lettre aux Philippiens, 2, 6-7, saint Paul écrit : « De condition divine, le Christ Jésus s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave ».
Cet phrase doit être comprise comme une description de l’Incarnation. On s’attendrait à ce que Paul dise « prenant condition d’homme ». Cependant, Paul a compris que Jésus a voulu aller plus loin. En effet, Jésus aurait pu choisir de mener une vie publique aussi calme que le fut sa vie cachée. Pendant environ 30 ans, il a mené la vie normal d’un enfant, puis d’un adulte. Il est resté à Nazareth avec ses parents. Il a travaillé avec son père dans le bâtiment sans le moins du monde attirer l’attention, menant sa vie dans la « condition d’homme ».
La Passion de Jésus révèle que sa volonté d’abaissement va plus loin. Non content de se mettre à notre niveau, il veut se montrer comme serviteur ou esclave. En grec, il n’existe qu’un seul mot pour désigner ces deux termes.
Premier signe : le fait de laver les pieds de quelqu’un est la tâche des esclaves. Quand Jésus s’approche de Pierre pour le faire (Jean, 13, 6-8), Pierre refuse car il ne peut imaginer que son maître et Seigneur, celui qu’il a désigné comme le Christ, le fils du Dieu vivant, accomplisse envers lui une tâche d’esclave. C’est seulement l’insistance de Jésus qui viendra à bout de la résistance de Pierre.
Le deuxième signe de cette volonté d’abaissement suprême est le mode de mise à mort de Jésus, la croix. À l’époque, les hommes libres étaient exécutés par décapitation. Un soldat expérimenté portait un coup fort et net sur la nuque avec le lourd glaive romain, pour faire sauter la tête d’un seul coup, sans spectacle. Ce fut le mode de mise à mort de saint Paul, qui était citoyen romain, dignité rare pour l’époque.
La croix était un supplice infamant, venu des Carthaginois (Afrique du Nord), et infiniment plus douloureux que la décapitation. Le condamné mourait par asphyxie après plusieurs heures. C’était le châtiment réservé aux esclaves et à ceux qui n’avaient pas la citoyenneté romaine. Il s’agissait de faire un exemple spectaculaire par sa cruauté, sa durée et sa visibilité.
Non seulement Jésus a du subir une mort injuste, mais, pour aller au bout de l’abaissement, il a choisi un mode de mise à mort parmi les plus terribles jamais inventé.
Voilà comment Dieu nous aime. Voilà jusqu’où notre Dieu décide de nous rejoindre au plus bas de notre condition. Quelles que soient nos abysses intérieures, le Seigneur sera toujours plus bas, pour que nous puissions tomber dans ses bras.

Comment se former aux Écritures ?
Espérant que ces propos auront convaincu l’un ou l’autre lecteur de la nécessité de se former, d’entrer dans un amour brûlant pour les Écritures, je reste bien conscient de la grande difficulté que cela revêt pour un(e) laïc(que) engagé(e) dans la vie active.

Les prêtres se forment au séminaire, et ont le devoir de se former tout au long de leur vie. Les laïcs que nous sommes n’ont pas de séminaire, mais ils ont le même devoir de se former tout au long de leur vie. C’est plus difficile puisqu’il n’y a pas de point de départ évident : suivre un maître ? prendre un livre ? suivre une formation en paroisse ou à l’université ? Que faire ?
Pour entrer dans un authentique chemin de formation aux Écritures saintes, il nous faut une première porte. Nous sommes les enfants de l’Église catholiques, et donc nous avons besoin les uns des autres. Prions fermement le Seigneur de nous faire aller vers la personne adéquate, puis lançons-nous vers des personnes que nous connaissons, pour leur demander comment commencer cette formation.

Je peux aller vers mon curé ou un prêtre que j’aime bien. Je peux me tourner vers un laïc formé, par exemple un responsable d’un des apostolats de la paroisse. Je peux me tourner vers un responsable d’un groupe de prière, d’une communauté. Si je fréquente un monastère ou un sanctuaire, je peux demander à parler avec un moine ou un prêtre. À partir du moment où j’ai prié pour être éclairé, le Seigneur voit mon humilité, et m’aidera à commencer le chemin.

Une petite mise en garde : le démon déteste que je cherche à m’approcher du Seigneur, spécialement par sa Parole, car je vais utiliser ma raison et le démon raffole de l’irrationnel. Donc pas d’affolement si toutes sortes d’embûches se présentent sur mon chemin de formation, c’est tout-à-fait normal vu l’enjeu.

Des millions de chrétiens ont déjà fait ce merveilleux chemin, qui est en fait un chemin de découverte du Seigneur lui-même. Comme le dit saint Jérôme : « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ. » Nous allons donc, sans aucun doute, découvrir le Christ, notre bien-aimé Sauveur dans sa Parole.

Voir aussi :
Pourquoi rendre un culte à Dieu ?
Le Seigneur m’a donné le goût de sa parole, à travers laquelle il m’a donné la guérison
La parole: triomphe du vide ou libération suprême?
Vivre dans la présence de Dieu
Qu’est-ce que la vérité ? Mon doute ou ma foi ?
François et Benoît : la foi chrétienne est-elle un self-service ?