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Cet article est une adaptation d’un enseignement qui a été donné dans le cadre d’un des week-ends pour célibataires chrétiens à Ars, en février 2014. Ces week-ends sont organisés par l’association Homme et femme Il les créa.

Dans les manifestations du temps de la période communiste, dans les années 1980, les polonais brandissaient des pancartes où était écrit : « Nous voulons Dieu ! ». Ils avaient compris quel était leur besoin le plus fondamental : Dieu lui-même, au-dessus de tout bien créé.

A. Vivre en Dieu

1. Une vie transfigurée

Ma décision pour la sainteté, pour Dieu, porte de multiples fruits dans ma vie. Elle va progressivement me rendre plus heureux, je vais entrer dans le bonheur de Dieu, le bonheur en Dieu. Ce processus commence avec le désir de la sainteté. Dieu me donne sa grâce pour que ce désir dure et puisse porter son fruit.

Vivre une vie transfigurée par le Christ

« Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète. » Jean 15, 11

Le Seigneur invite les chrétiens à ce « qu’en travaillant à ce monde qui passe, ils s’attachent surtout aux choses qui ne passent pas » (Préface du deuxième dimanche de Carême).

Dieu me pousse à m’attacher à lui-même qui est le roc. Il m’invite à vivre DANS sa parole (« Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas. » Matthieu 24, 35), DANS son amour, DANS sa miséricorde, DANS sa bonté, et pas seulement DE toutes ses choses.

Quelle que soit ma vie de laïc, ma décision pour Dieu me donne de tout orienter vers Dieu. Cela concerne mon travail, ma vie amicale et mes loisirs. Cela concerne encore plus ma vie affective, et cela me prépare pour le chemin qui me mènera à l’engagement définitif du mariage. Cette décision me portera ensuite dans ma vie de couple et ma vie de parent.

Ma décision pour la sainteté transforme positivement ma vie, celle de mes proches et le monde.

Bien loin de me faire planer dans les hauteurs, elle fait de moi un autre Jésus, un envoyé porteur d’une bonne nouvelle active sans même ouvrir la bouche. Un pèlerin d’Ars disait un jour en parlant du Saint Curé : « J’ai vu Dieu dans un homme. » Voilà ce que nous pouvons devenir si nous nous laissons complètement tomber dans les bras de Dieu.

Certains disent : je risque de perdre ma personnalité à ce compte-là. Mais c’est le contraire qui est vrai. Le péché uniformise, la sainteté personnalise, comme on le voit dans la créativité infinie déployée par les saints au cours de l’histoire.

Les saints sont d’ailleurs souvent des pionniers, des créateurs, Dieu bénit leur imagination pour faire le bien, car ils sont comme Dieu, ils font du nouveau par la surabondance qui remplit leur vie. « Que ton règne vienne. »

Ma décision est bénéfique pour moi. Mon regard sur moi-même change. « Je te bénis pour la merveille que je suis. » Psaume 138.

Si j’ai des problèmes avec l’estime de soi, ma décision pour la sainteté me fait progressivement avoir sur moi le regard même de Dieu, qui est toute miséricorde et toute indulgence, toute patience et toute bienveillance.

2. Le feu de la vie divine en moi

Ma décision rend gloire à Dieu pour ce qu’il est. « Que ton Nom soit sanctifié. » J’entre dans la gratuité de la louange de Dieu. Je lui dis : « Tu es Dieu, tu es grand, et je veux t’adorer pour ce que tu es. ». Je quitte complètement la sphère de l’utile, j’entre dans la sphère de la pure adoration, comme les anges et les saints.

Ma décision fait fondre mon cœur et ma vie, parfois tièdes ou froids, pour entrer dans le brasier ardent de l’amour de Dieu.

« Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » Luc 12, 49

Cette brûlure ouvre une brèche dans ma vie. Le désir de Dieu va grandir jusqu’à devenir parfois dévorant. « Il y avait dans mon cœur comme un feu dévorant, enfermé dans mes os. Je m’efforçais de le contenir, et je n’ai pas pu. » Jérémie 20,9

Cette brûlure du cœur est celle qui habitait tous les saints. Elle apparaît dès que je me décide pour Dieu et se développe ensuite.

On la voit également en Isaïe 6 : « Je vis le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils se criaient l’un à l’autre ces paroles : “Saint, saint, saint le Seigneur de l’univers, sa gloire emplit toute la terre.” »

Séraphin veut dire brûlant. Ces anges sont des « brûlants » comme Dieu. Et Dieu veut que j’entre dans le feu qu’il est lui-même.

Nous pouvons souhaiter nous réchauffer au feu de l’amour de Dieu : goûter le bonheur de le connaître, de se savoir aimé par un père plein de tendresse, de connaître le but de notre vie…

Ce sont des grâces, grâces que Dieu est heureux de nous donner. Mais est-ce que Dieu veut seulement me réchauffer ? Est-ce que je veux me contenter de cette chaleur ?

Le désir de Dieu sur moi, et mon désir le plus profond même s’il n’est pas conscient, c’est d’être plongé dans le feu, afin de devenir feu moi-même. Le but de la vie n’est pas de recevoir les grâces de Dieu, mais d’être divinisé. Le but n’est pas d’être à côté du feu, mais d’être plongé dedans, c’est l’effet du baptême.

L’Orient chrétien insiste énormément sur le thème de la divinisation de l’homme par le Christ-Dieu, alors que l’Occident insiste plutôt sur l’humanité du Christ, le fait que Dieu nous veut des hommes semblables à l’Homme accompli qu’est le Christ. Les deux sont vrais, et il est bon de faire droit aux deux visions. Saint Irénée nous dit : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu. » (Contre les hérésies, IV, 20, 7. †202)

B. Vouloir la sainteté me met en mouvement.

J’oublie l’idée d’une sainteté comme perfection morale que je construis moi-même.

La brûlure se reçoit comme une Pentecôte continuelle.

Cette brûlure est un dynamisme, mot qui vient du mot grec qui veut dire « puissance » (qui a aussi donné dynamite !), ou bien force ou capacité. Si je trouve que ma vie est morne, monotone, si je suis las, fatigué, alors la brûlure de l’Esprit-Saint est pour moi.

C’est elle qui va littéralement « m’allumer ». Une bougie peut enflammer une forêt. Un simple curé de campagne d’un coin perdu, comme le Curé d’Ars, a pu embraser des milliers de personnes venues de tous les coins de France. Le démon lui disait un jour, par la bouche d’une possédée : « S’il y en avait trois comme toi sur la terre, mon royaume serait détruit. »

Le désir de sainteté me pousse à la conversion. Pour cela, je jette dans le brasier ardent de l’amour de Dieu tous mes péchés en allant me confesser régulièrement.

Le désir de sainteté crée chez moi le désir d’être plongé dans l’amour de Dieu. Ce désir mène immanquablement au désir de le rencontrer dans la prière. Quand notre âme se réveille, elle a faim. Cette faim de Dieu ne peut être assouvie seulement dans le service de Dieu. C’est la prière, le contact direct avec Dieu qui est la nourriture de l’âme. Rien ne peut la remplacer.

« L’oraison est, pour ainsi dire, la mamelle de la miséricorde de Dieu. Si vous êtes son enfant, vous la prendrez tous les matins avec autant d’avidité qu’un enfant fait celle de sa mère. […] Voudriez-vous passer une journée sans manger ? […] Pensez-vous vivre sans nourriture ? Combattre sans armes ? Voler sans ailes ? Travailler sans force ? Hé, d’où tirerez-vous tout cela, si ce n’est de l’oraison ? » Jean Crasset, Le Chrétien en solitude, 1er jour.

Mais faire oraison, c’est dur. Aller se confesser, ça peut être dur. Aimer mes ennemis, ça peut être très dur. Vouloir servir Dieu en toute chose, ça semble très dur. Oui, mais si je suis plongé en Dieu, ce sera un délice, comme le dit sainte Thérèse de Lisieux ou bien le psalmiste (psaume 119 (118), 13-16).

C. Vivre la sainteté avec et pour les hommes

1. Vivre en Église

Le désir de sainteté me pousse à rejoindre d’autres chrétiens pour entretenir le feu. « Un chrétien seul est un chrétien en danger » Saint Augustin, IVe siècle.

« Avoir la foi, c’est s’appuyer sur la foi de tes frères, et que ta foi serve également d’appui pour celle des autres. » Benoît XVI, homélie JMJ Madrid 2011.

Rejoindre une paroisse ou un groupe fervent est une nécessité, autant que possible matériellement bien sûr.

On dit des premiers chrétiens qu’« Ils étaient assidus à l’enseignement des apôtres. » Actes des Apôtres 2, 42

Un chrétien ne peut se dispenser de se former. Il n’est pas toujours facile de rejoindre un groupe. Rien n’empêche de se nourrir d’une littérature chrétienne solide. Par exemple, les deux tomes « Jésus de Nazareth », de Joseph Ratzinger (pape Benoît XVI).

2. Vivre pour évangéliser

Un grand fruit de ma décision est de me pousser à annoncer la Bonne nouvelle. Cette nouvelle, c’est que Dieu remplit complètement ma vie, et qu’il veut se donner à tout un chacun pour le remplir lui aussi de tout ce qu’il est.

Je ne peux pas garder la joie de la vie de Dieu en moi pour moi tout seul. Le pape Jean-Paul II dit dans l’encyclique Redemptoris Missio de 1990, §3 : « Aucun de ceux qui croient au Christ, aucune institution de l’Église ne peut se soustraire à ce devoir suprême : annoncer le Christ à tous les peuples. »

La finale de l’Évangile de saint Marc est elle aussi très claire : « Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création. » Marc 20, 15

Tout chrétien est évangélisateur à sa manière. Le saint patron des missions saint François-Xavier a baptisé de sa main des dizaines de milliers de personnes. La sainte patronne des missions Thérèse de Lisieux n’a jamais quitté son couvent.

Ci-dessous un exemple d’apostolat dans les rues de Paris.

Des millions de chrétiens évangélisent par leurs manières d’être dans leur milieu de vie, dans leur travail, au sein de leur famille, auprès de leurs enfants, avec leurs amis. Pas besoin d’être un super pro de la rhétorique ou de la théologie pour évangéliser. Le baptême nous rend évangélisateurs par nature. C’est à nous de coopérer avec Dieu pour que son nom soit annoncé en actes et en paroles.

3. Vivre pour servir

La vie de Dieu ne connaît pas les « compartiments » de ma vie (famille, travail, service, loisirs…). « La miséricorde de Dieu est comme un torrent qui déborde, elle emporte tout sur son passage. » (Saint Curé d’Ars).

La décision pour la sainteté pousse au service, chacun selon sa grâce propre : service caritatif, de conseil, animation pastorale… La contemplation nourrit l’action et réciproquement.  Nous devenons progressivements attentif au prochain qui souffre, et c’est une attention efficace, qui n’a que peu de rapport avec l’attention de quelques secondes que l’on porte d’habitude aux personnes victimes de catastrophes en regardant 2 minutes le journal télévisé.

Pour finir

Dans tout ce qui a été dit, il faut voir en filigrane que les choses peuvent être plus ou moins rapides, et comporter des régressions apparentes à l’un ou l’autre moment de notre vie. Parfois, d’un seul coup, quelque chose se débloque et je peux aller de l’avant. Parfois, Dieu me révèle une nouvelle mission ou un nouveau chemin avec éclat. Parfois, il s’agit d’un progrès subtile et même qui ne se remarque qu’après tout. Et puis je peux régresser temporairement, ou apparemment, pour diverses raisons, par exemple un choc brutal comme un deuil. La sainteté est un chemin beaucoup plus qu’un but. Le seul qui puisse dire : « Je suis saint. », c’est Dieu. Donc, je peux avancer, et Dieu sanctifie mon chemin.

Dans notre vie, Dieu permet souvent qu’il y ait de nouvelles visitations, de nouvelles Pentecôtes, de nouvelles effusions de l’Esprit-Saint au moment où nous nous y attendons le moins. Dieu connaît notre faiblesse, il sait que nous ne pouvons pas maintenir ce désir de sainteté sans une grâce constante de sa part.

Ses promesses demeurent éternellement. Jésus nous a dit à la fin de l’Évangile selon saint Matthieu : « Je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde. »

« Ainsi l’homme éprouve la joie lorsqu’il se trouve en harmonie avec la nature, et surtout dans la rencontre, le partage, la communion avec autrui. À plus forte raison connaît-il la joie ou le bonheur spirituel lorsque son esprit entre en possession de Dieu, connu et aimé comme le bien suprême et immuable. » Paul VI, Gaudete in Domino, I, 2.

Seule la sainteté procure la vraie joie, car elle seule nous rend « comme Dieu », nous donne la connaissance de celui qui est la Joie même, nous plonge dans son Cœur qui est ce que tout notre être cherche.

Voir aussi : La Transfiguration de Jésus, lumière dans nos ténèbres

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