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Confession : Jésus nous donne son pardon

Dans la Bible, plus précisément dans l’Évangile, on voit Jésus pardonner à ceux qui sont en train de le crucifier.
Il dit précisément : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Luc 23, 34)
Comment peut-il pardonner à ce moment-là ?
Remontons un peu dans la Bible.

La loi de la jungle

Dans les premiers temps bibliques, c’est la violence brute qui prévaut, la loi de la jungle, à la manière animale. Il n’y a pas de mesure entre la faute commise et la sanction, comme on le voit dans le livre de la Genèse, au chapitre 34.

« Dina, la fille que Léa avait donnée à Jacob, sortit pour aller voir les filles du pays. Sichem, le fils de Hamor le Hivvite, prince du pays, la vit et, l’ayant enlevée, il coucha avec elle et lui fit violence. » (versets 1 et 2) « Les deux fils de Jacob, Siméon et Lévi, les frères de Dina, prirent chacun son épée et marchèrent sans opposition contre la ville : ils tuèrent tous les mâles. Ils passèrent au fil de l’épée Hamor et son fils Sichem, enlevèrent Dina de la maison de Sichem et partirent. » (versets 25 à 27)

Le viol de Dina est puni par le meurtre du violeur, de son père et de tous les hommes de la ville.
C’est l’escalade de la violence, la porte ouverte à toutes les barbaries, puisque rien n’empêche de répondre à la violence par une violence bien plus grande.

La loi de la proportionnalité

Dans le livre du Lévitique , on voit apparaître la loi du talion, si célèbre, où la sanction est proportionnée à la faute, ce qui a pour but d’éviter l’escalade de la violence.
Lévitique 24, 19-20 :
« Si un homme blesse un compatriote, comme il a fait on lui fera : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent. Tel le dommage que l’on inflige à un homme, tel celui que l’on subit. »
On peut appeler ça la loi naturelle, une loi qui peut être acceptée quand on reconnaît qu’il y a dans l’être qui est devant moi quelque chose de semblable à moi.
En tant qu’être humain, je reconnais l’autre comme un être humain et je me refuse à lui infliger davantage que ce qu’il m’a infligé.

En Lévitique 19, 18 apparaît déjà une morale qui va plus loin que la loi de proportionnalité.
« Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune envers les enfants de ton peuple. »
La loi du talion (œil pour œil, dent pour dent) n’est donc pas à voir comme une vengeance, mais comme une étape vers quelque chose de plus élevé.
Il faut également noter que la loi du talion ne s’applique qu’aux membres du peuple d’Israël, aux compatriotes, et non aux étrangers.

La loi nouvelle : le pardon inconditionnel

Jésus va encore plus loin en annonçant le pardon inconditionnel, le pardon qui est celui de Dieu et non des hommes.
Matthieu 5, 38 : « Vous avez entendu qu’il a été dit : “œil pour œil et dent pour dent”. Eh bien ! moi je vous dis de ne pas tenir tête au méchant. » et aussi au verset 43 : « Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien! moi je vous dis: Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs. »
Le « Il a été dit » est une figure de style que l’on appelle le passif divin. Il était utilisé pour éviter de dire : « Dieu vous a dit ».
Jésus se pose clairement comme celui qui annonce l’achèvement de la loi donnée à Dieu par Moïse. Étant Dieu lui-même, c’est à lui de nous donner, à nous les hommes, la parole ultime sur le mal et le pardon. Le « je » de Jésus est ici le « Je » de Dieu lui-même.
La loi du talion était un commencement, la loi que Jésus donne ici est un achèvement.

C’est lors de la crucifixion que l’on voit Jésus mettre en pratique ce qu’il a enseigné, avec son pardon à ceux qui le mettent en croix : « Père pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Luc 23, 34)
Cette manière de pardonner nous semble surhumaine, héroïque, voire absurde.
Et pourtant elle vient couronner toute la vie de Jésus, qui a dit de ne pas riposter au méchant, et qui lui-même n’a jamais répondu à la violence par la violence.
Toute sa vie nous aide à comprendre comment cette folie du pardon est possible.

En Jésus, c’est non seulement l’homme, mais Dieu lui-même qui pardonne. C’est donc Dieu qui rend le pardon possible pour nous.
Ce pardon n’est pas naturel, mais surnaturel.

Pardonner pour être pardonné

Certes le pardon de Dieu est inconditionnel, mais il nous appartient, avec la liberté qu’il nous a donné, d’accueillir ce pardon. L’accueillir en parole ne suffit pas, car Jésus a dit dans la prière que nous appelons le « Notre Père » : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ».

Jésus développe cette idée que Dieu ne peut nous pardonner que si nous pardonnons dans un passage du chapitre 19 de l’Évangile selon saint Matthieu. Au verset 21, Pierre lui demande combien de fois il doit pardonner à son frère. Jésus raconte l’histoire des deux débiteurs. Celui qui refuse de pardonner subit un très dur châtiment. Jésus conclut en disant au verset 35 : « C’est ainsi que vous traitera aussi mon Père céleste, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du coeur. » Jésus veut nous dire que le pardon de Dieu est conditionné par le nôtre : pas de pardon pour celui qui refuse de pardonner à celui qui l’a offensé.

Si nous refusons par principe de pardonner à ceux qui nous font du mal, cela implique de manière directe que nous refusons d’accueilir le pardon de Dieu. Je ne peux pas dire : « J’accueille volontiers le pardon de Dieu, mais je ne pardonnerai jamais à untel ce qu’il m’a fait. » La volonté ferme de pardonner quoi qu’il arrive dans le futur est une disposition permanente du cœur. Ainsi, le jour venu, quand je suis offensé, il est plus facile de faire monter de mon cœur un pardon de principe, même si je mets ensuite des années à vraiment souhaiter du bien à mon offenseur. Cette disposition au pardon est celle qui nous permet de recevoir le pardon de Dieu.

Pourquoi et comment pardonner ?

Où pouvons-nous puiser la force de pardonner à ceux qui nous font du tort sinon en Dieu ?
C’est dans la contemplation du mystère de Jésus souffrant que nous allons pouvoir progressivement entrer dans la compréhension de ce mystère de la miséricorde.
Il est également nécessaire de reconnaître que le péché est aussi en nous, et que nous avons besoin de ce pardon de Dieu.

Ce pardon inconditionnel, celui que Jésus nous montre, est un pardon qui construit parce qu’il n’enferme pas le pécheur dans son péché.
Certes, il est nécessaire de reconnaître son péché.
Si j’ai tué, ou d’ailleurs commis n’importe quel autre péché, je ne dois pas dire : « Je n’y suis pour rien. ». Il est bon pour moi de reconnaître ma culpabilité, la lourdeur de ma faute, pour pouvoir reconnaître que j’ai besoin de changer. J’ai un effort à faire pour changer, et je peux demander à Dieu de m’aider pour cela.
Mais Dieu ne veut pas que je reste enfermé dans ma faute, il ne veut pas que je la traîne comme un boulet toute ma vie.
C’est pourquoi il me pardonne et veut que je me pardonne à moi-même.
Notons au passage que pour les catholiques, le pardon de Dieu se reçoit dans le sacrement de réconciliation ou confession. Là, le prêtre, parlant au nom et avec l’autorité même de Dieu, dit à celui qui confesse ses péchés : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, je te pardonne tous tes péchés. »

Que se passe-t-il si je suis l’offensé ? Eh bien les choses ne sont pas différentes.
Il n’est pas bon de dire à celui qui m’a gravement blessé volontairement : « Ce n’est rien, ce n’est pas de ta faute. ». D’abord ce n’est pas vrai, et ensuite il est bon pour lui de reconnaître la vérité : il a fait le mal, et il doit changer pour ne plus recommencer.
Mais lui pardonner est quelque chose qui va l’aider à aller plus loin. S’il est réceptif à ce pardon, il peut s’ouvrir à l’idée de miséricorde et devenir lui-même un porteur de pardon. Au passage, il convient d’être prudent : il faut toujours pardonner, mais il peut être dangereux de vouloir à tout prix dire à l’offenseur que je lui ai pardonné.

Les chrétiens sont donc porteurs de la bonne nouvelle du pardon. Même si eux-mêmes ont parfois beaucoup de mal à pardonner, ils peuvent au moins parler de Jésus qui, lui, a été au bout du pardon.
Et ainsi un chemin peut s’ouvrir dans le cœur de beaucoup, pour que le mal ne l’emporte pas, et que la bonté de Dieu puisse se répandre.

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