Temps de lecture estimé : 6 min
Ce titre se veut volontairement provocant. Il serait absurde de croire que l’Église a jamais refusé la canonisation de personnes mariées. Mais nous allons voir comment cette canonisation est une preuve supplémentaire de la sagesse de Dieu, qui donne à ses enfants ce dont ils ont besoin en temps voulu.
Saints Louis et Zélie Martin ont été canonisés en ce mois d’octobre 2015. En quoi cela nous concerne-t-il, nous baptisés du XXIe siècle ?
Leur canonisation est, entre autre, un fort encouragement, pour nous laïcs, à croire que Dieu veut notre sainteté. Il veut pour nous une sainteté qui n’a ni moins de valeur, ni moins de beauté, ni moins d’exemplarité que celle des consacrés, clercs, rois et reines, et martyrs.
Or, ces catégories représentent plus de 95% des saints canonisés, alors que les laïcs non couronnés représentent, eux, plus de 95% des baptisés. Cette situation pourrait fausser notre vision de la sainteté laïque.
Le Concile Vatican II (1962-1965), il y a déjà 50 ans, a heureusement été très clair sur la question de la sainteté des laïcs :
Il est donc bien évident pour tous que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ, quel que soit leur état ou leur forme de vie.(Constitution dogmatique Lumen Gentium n° 40).
Nous avons donc un besoin impératif d’avoir devant nos yeux des saints laïcs non martyrs, célibataires et mariés pour nous en inspirer.
L’Église vient de répondre à l’appel de l’Esprit-Saint en canonisant des époux en tant que tels. Certes, Delphine et Elzéar de Sabran furent canonisés (lien et dates), mais, d’une part, ils avaient fait vœu de virginité et, d’autre part, nous avons besoin de saints qui nous sont proches, tant dans le temps que dans le mode de vie.
Louis et Zélie sont des saints modernes. Leur mode de vie n’est pas si éloigné du nôtre, familles chrétienne du XXIe siècle. Ils faisaient partie de la petite bourgeoisie catholique de la fin du XIXe, et ils accueillirent généreusement de nombreux enfants, ce qui n’avait rien d’original dans ce milieu à cette époque.
On a envie de dire qu’ils sont des saints « ordinaires », au sens où l’on ne voit dans leur vie ni de phénomènes mystiques, ni des heures nocturnes de prière, ni des pénitences extrêmes, ni aucun autre aspect souvent rapporté dans les vies de saints consacrés et martyrs. En cela, ils sont « comme nous ».
Saints Louis et Zélie Martin nous empêchent de tomber dans le panneau classique du raisonnement qui peut nous endormir en tant que laïcs : « Moi je suis un simple laïc, la sainteté concerne les autres états de vie, ceux qui ont choisi de donner toute leur vie à Dieu. »
Le Concile Vatican II, il y a cinquante ans, nous avait dit à propos de ce raisonnement : « Faux ». Saints Louis et Zélie Martin, en ce début du IIIe millénaire, nous disent : « Archi faux ».
Chaque baptisé, et non seulement le baptisé consacré ou clerc, est appelé à donner TOUTE sa vie à Dieu. La consécration répond à un appel particulier, mais elle n’a pas de rapport avec la qualité du don que Dieu nous invite à faire.
Saints Louis et Zélie Martin ont entendu l’appel de saint Paul à être saints « dans toute leur conduite » (1 Pierre, 1, 15). Leur fidélité ressemble à celle de leur sainte fille Thérèse, mais dans un état de vie différent.
Zélie a beaucoup pleuré la mort de ses enfants, comme n’importe quelle maman. Elle n’a pas dit avec un grand sourire : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris, que le nom du Seigneur soit béni » (Job1, 21). Dieu a reçu l’offrande de ses larmes et l’a sanctifiée au point que Dieu vient d’en faire un modèle pour les femmes mariées.
Louis a été, comme le dit la liturgie du mariage, « un époux fidèle et un père attentif ».
Louis nous aide dans plusieurs aspects : il nous montre que l’engagement radical à la suite de Dieu peut s’exprimer dans le mariage, après ce qu’il avait d’abord perçu comme un appel à la vie consacré. Il n’y a pas de rupture dans la fidélité à Dieu chez Louis Martin.
Une remarque en passant : Louis Martin une fois marié a gardé cet esprit contemplatif qui le poussait à prendre des moments de solitude pour prier, pour puiser à la source. Voilà un aspect important de sa vie qui peut nous donner de l’inspiration. En effet, aucun laïc ne peut se dispenser d’une vie de prière, ne serait-ce que minimale, quel que soit son engagement familial et professionnel.
Louis aimait tendrement sa femme, ce qui pour l’époque, dans son milieu, n’est pas très original.
Louis avait cinq enfants, comme il est normal pour un homme marié de cette époque. Au passage, prions pour les couples qui subissent l’épreuve de l’infécondité. Dieu les sanctifie d’une autre manière que dans le soin de leurs enfants.
Louis avait un travail normal, il était horloger. Au passage, prions pour ceux qui subissent l’épreuve du chômage. Dieu les sanctifie d’une autre manière que dans l’accomplissement de leur devoir professionnel.
Louis et Zélie étaient très serviables pour les pauvres qu’ils côtoyaient, et ils initiaient leurs enfants à l’être également. Cette charité n’a pas fait pour autant qu’ils ont été particulièrement remarqués pour cela par leur entourage.
Depuis le Concile, nous sommes clairement entrés dans une nouvelle phase de l’histoire de l’Église, une phase de rééquilibrage de la place des laïcs par rapport aux autres états de vie. L’attention particulière qui est maintenant portée au laïcat est une chance extraordinaire pour que les laïcs comprennent différemment la nature de la sainteté. C’est une chance pour qu’ils s’ouvrent davantage à la puissance de Dieu qui veut absolument faire d’eux des saints rayonnants.
Il n’y a donc aujourd’hui plus aucun argument sérieux à opposer à la quête de la plus haute sainteté par les laïcs. Louis et Zélie Martin en sont de vivants exemples.
Désirer la sainteté n’est en aucun cas un manque d’humilité. C’est le contraire qui est vrai : qui suis-je pour refuser la volonté, le « rêve » de Dieu sur moi ?
Tout baptisé est fait pour la sainteté, c’est-à-dire qu’il est fait pour que Dieu investisse l’intégralité de sa vie, quel que soit son état de vie, c’est la finalité principale du baptême.
Être baptisé sans désirer la sainteté, c’est comme avoir un arc et une flèche et ne pas comprendre l’intérêt ou même refuser d’atteindre le centre de la cible.
Quels que soient nos réticences, nos hésitations, nos peurs et nos péchés dans notre quête de la sainteté, Dieu les connaît et les utilise.
Certains laïcs, par exemple jeunes, célibataires ou en mission, peuvent ne pas se sentir rejoints par les époux Martin. C’est normal, leur canonisation ne vise pas à en faire des modèles universels.
Pour ceux qui les voient comme des modèles, lançons-nous à leur suite sur ce chemin de sainteté.
C’est le seul chemin qui puisse nous faire atteindre le plan unique de Dieu sur nous, la joie plénière, la pleine réalisation de son désir d’amour sur nous.
PS : de nombreuses biographies sont maintenant disponibles sur Internet.
Laisser un commentaire