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En 2000-2001, a eu lieu mon second séjour à Bangkok, avec l’association Points-Cœur, et nous allions régulièrement visiter des enfants malades dans un grand centre.

Un orphelinat pour enfants malades du sida au Cambodge, photo Cambodia4kids.org Beth Kanter. Cliquer sur la photo pour lire le témoignage les concernant (en anglais).J’y ai rencontré un jour un enfant du nom de Em, atteint du sida.

Dès la première rencontre, Em m’a insultée et m’a demandé de partir, mais je sentais que sa violence cachait une grande souffrance, et qu’il ne voulait pas vraiment que je le laisse. Au bout d’un moment il a accepté de jouer un peu avec moi. Lors de mes visites, parfois il acceptait de jouer un peu avec moi, mais la plupart du temps il m’insultait.

Petit à petit, son état de santé s’aggravait, et il ne voulait plus se nourrir. Il souffrait beaucoup aussi de ce que sa mère était morte, et de ce que son père venait très peu le voir, et qu’il le regardait seulement de loin quand il venait.

Un jour, alors qu’il était très faible et qu’il était assis sur son lit tandis que les autres enfants mangeaient, je me suis assise auprès de lui, et il m’insultait très méchamment, et me frappait. Mais je sentais qu’il avait besoin de ma présence et je restais auprès de lui. Je sentais que c’était ce qu’il désirait malgré son attitude.

La personne qui s’occupait des enfants a commencé à lui dire qu’il fallait qu’il change, et que c’était impossible d’aimer un enfant comme lui. Elle prenait à témoin les autres enfants « N’est-ce pas qu’on ne peut pas aimer un enfant méchant comme lui ! » J’ai pensé qu’elle allait l’enfoncer encore plus dans le désespoir, alors je lui ai dit devant Em : « Non, je trouve qu’Em est digne d’être aimé, et moi je l’aime ! ». Alors Em est devenu tout calme. Après un temps de silence, il m’a demandé de le gratter. Je l’ai gratté tout doucement pendant un moment, il était couvert d’eczéma. Puis tout d’un coup, il s’est tourné vers moi et, les mains jointes (geste de respect), il m’a demandé « Pardon grande sœur ! » C’est la seule fois où un enfant thaï m’a demandé pardon spontanément. Par la suite, il est devenu très doux. Il est mort quelques semaines plus tard, mais il était beaucoup plus en paix, et à la fin son père a réussi à avoir le courage d’être auprès de lui pour ses derniers moments.