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Témoignage de Séverine Dubois, membre du mouvement Points-Cœur.

Manille, Philippines, le 10 septembre 2013

Chers parrains, chers amis, chère famille,

Juillet, août, septembre… La saison des pluies, la saison des typhons. Une époque peut-être pour se laisser davantage encore surprendre par l’extraordinaire vie de ce peuple philippin… Alors qu’il y a trois semaines, un important typhon frappait la région de Luzon, laissant de très nombreux quartiers inondés, les journaux internationaux ne faisaient état que des dégâts.

Enfant philippin jouant sous la pluie pendant la saison des typhons

Cependant, pour nous qui habitons dans ces zones fréquemment inondées, une chose frappe… L’année dernière, il y eut une importante tornade en France. Je me souviens d’une femme en pleurs… Sa maison avait été en partie détruite par les vents. « En trente secondes, confiait-elle entre deux sanglots, c’est ma vie qui s’est écroulée… »

Pourquoi chez les Philippins, n’est-ce pas l’écroulement de la vie mais un jaillissement toujours plus grand à chaque orage ! Les enfants en une seconde ont quitté leur habit et se mettent à nager dans les places transformées rapidement en piscine par les pluies torrentielles, les hommes sortent allègrement leur savon et se mettent à prendre leur douche, les femmes sortent leurs bassines, récoltent l’eau de la pluie et se mettent à laver le linge, les basketteurs continuent leur partie et enchaînent de plus belle les paniers, les bakla1 quant à eux sont imperturbables dans leur partie de volley… De toute part jaillit la vie. Pourquoi y a-t-il un surcroît de vie là où l’on pourrait attendre le repli, la dépression, la tristesse, la mort ?

Pourquoi ce qui est vu en France comme la fin de tout, donne naissance ici à un renouveau ? Il ne s’agit pas de donner une sorte de leçon de morale qui serait déplacée, mais je pense simplement que nous avons beaucoup, beaucoup à apprendre de ce peuple. Nos amis, qui n’ont rien, perdre le peu qu’ils ont, leur maison et la reconstruise le lendemain.

D’où leur vient cette force, cette espérance ? Quelle est la leçon à tirer ? Que rien avoir rend heureux ? Qu’il faut que tout le monde vive dans un bidonville pour se réjouir d’un rien ? Est-ce plus facile d’être libre quand on n’a rien ? Et en même temps, ce cher Gollum du Seigneur des Anneaux est bien attaché à son unique possession… Alors… ?

En interrogeant ainsi deux amies sur l’espérance qui les habitent, il me semble que l’on peut commencer à comprendre un peu mieux ce qui fait la force de ce peuple.

L’une me disait : « Nous les Philippins, quand nous avons un problème, nous parlons, parlons, parlons ». Non des problèmes, mais de tout, de la vie, du quotidien. Il ne s’agit pas d’un non-avoir, mais d’une ouverture. Cette première remarque m’a donné à réfléchir. Quelle est notre première attitude, à nous Français ? N’est-ce pas de se fermer, se fermer, se fermer… Il y a donc cette conscience que c’est l’ouverture qui donne la vie, la joie. Une conversion : se tourner vers l’autre. Qu’il faut élargir le cœur, le cercle de la réalité, pour ne pas refermer le quotidien sur les problèmes.

L’autre amie, dont le frère Julius (cf. lettre de mai) est en prison depuis neuf ans, alors que je lui demandais ce qui lui permettait de garder l’espérance après autant d’années, a répondu : « L’amour que j’ai pour ma famille. C’est cela qui me permet d’espérer, de croire que c’est possible car je les aime et je veux le meilleur pour eux »…L’amour donc, l’amour pour les autres, capable de vaincre la désespérance, l’amour qui espère et qui éclaire les situations les plus obscures. Je vis, je crois, j’espère, je me bats, je me relève, parce que j’aime. Le Pape François n’en parle-t-il pas avec conviction dans sa première encyclique de La lumière de la foi ?

1. Bakla : travesti. Ici le volley-ball est un sport de fille ou de travestis. Les garçons jouent au basket.

Merci à Séverine Dubois pour son autorisation de publier son témoignage et ses photos sur notre blog.

Voir aussi : La Transfiguration de Jésus, lumière dans nos ténèbres

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