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Sur le chapitre V de l’encyclique Redemptoris Missio – Quatrième partie : § 55 à 57
Il ne faut pas confondre le dialogue interreligieux (dialogue avec les personnes non chrétiennes) et l’œcuménisme (dialogue avec les chrétiens non catholiques).
Le dialogue interreligieux fait partie de la mission de l’Église.
Il est différent de l’évangélisation, car il s’agit d’échanger avec les personnes d’autres religions pour mieux se connaître mutuellement et davantage se respecter, et non de leur annoncer que Jésus est leur sauveur.
Mais cette différence n’est pas une opposition : le dialogue interreligieux est complètement lié à la mission d’évangélisation, et il en est même une des expressions.
Dieu veut communiquer la plénitude de son amour à tous les hommes, quelles que soient leur religion et leur culture. Pour les rejoindre Il envoie donc des missionnaires, mais Il ne les a pas attendus pour commencer à se manifester aux hommes qui n’ont jamais entendu parler de Jésus.
Dieu se communique à chaque homme et à chaque peuple, et Il est présent dans les richesses spirituelles des autres religions, bien que celles-ci comportent toutes « des lacunes, des insuffisances et des erreurs ».
Bien qu’aucun homme ne soit rejeté par Jésus, et qu’Il se manifeste dans les richesses de chaque culture, les missionnaires doivent garder la conviction que tous les hommes ont besoin de découvrir le Christ qui seul les sauve, et que l’Église est la voie ordinaire du salut, c’est-à-dire qu’elle seule possède la plénitude des moyens du salut. Le dialogue interreligieux ne dispense pas de l’évangélisation.
Jean-Paul II illustre ce propos :
J’ai écrit récemment aux évêques d’Asie : « Bien que l’Église reconnaisse volontiers tout ce qui est vrai et saint dans les traditions religieuses du bouddhisme, de l’hindouisme et de l’islam, comme un reflet de la vérité qui éclaire tous les hommes, cela ne diminue pas son devoir et sa détermination de proclamer sans hésitation Jésus Christ qui est ‘‘la Voie, la Vérité et la Vie’’ […]. Le fait que les adeptes d’autres religions puissent recevoir la grâce de Dieu et être sauvés par le Christ en dehors des moyens ordinaires qu’il a institués n’annule donc pas l’appel à la foi et au baptême que Dieu veut pour tous les peuples ». En effet, le Christ lui-même, « en nous enseignant expressément la nécessité de la foi et du baptême […], nous a confirmé en même temps la nécessité de l’Eglise elle-même, dans laquelle les hommes entrent par la porte du baptême ».
Le dialogue n’est pas la conséquence d’une stratégie ou d’un intérêt — par exemple, je fais semblant de m’intéresser à la religion de l’autre, pour qu’il écoute ce que j’ai à dire sur le Christ, et ainsi le convertir malgré lui… —, mais c’est une activité qui a ses motivations, ses exigences et sa dignité propre.
C’est notre respect vis-à-vis de l’Esprit Saint qui « souffle où il veut » et qui agit en tout homme, qui doit nous pousser à découvrir les « semences du Verbe1 », les « rayons de la vérité qui illumine tous les hommes2 », dans les personnes et les traditions des autres religions.
Ce dialogue nous permet donc de mieux connaître notre Dieu en contemplant son action chez les hommes, et aussi en approfondissant notre propre identité, ce qui est indispensable pour qu’il y ait un vrai dialogue avec l’autre.
Ce dialogue interreligieux suppose des deux côtés une attitude de vérité et d’humilité, dans le désir d’un témoignage réciproque pour s’aider à progresser et surmonter les préjugés, l’intolérance et les malentendus. Il ne s’agit pas de capituler devant l’autre ni de le faire capituler.
Le dialogue tend à la purification et à la conversion intérieure qui, si elles se font dans la docilité à l’Esprit, seront spirituellement fructueuses.
En quoi peut consister ce dialogue, concrètement ?
Un vaste domaine est ouvert au dialogue qui peut revêtir des formes et des expressions multiples: depuis les échanges entre experts de traditions religieuses ou entre représentants officiels de celles-ci jusqu’à la collaboration pour le développement intégral et la sauvegarde des valeurs religieuses ; de la communication des expériences spirituelles respectives à ce qu’il est convenu d’appeler « le dialogue de vie », à travers lequel les croyants de diverses confessions témoignent les uns pour les autres, dans l’existence quotidienne, de leurs valeurs humaines et spirituelles et s’entraident à en vivre pour édifier une société plus juste et plus fraternelle.
Tous les fidèles et toutes les communautés chrétiennes sont appelés à pratiquer le dialogue, même si ce n’est pas au même niveau et sous des modalités identiques. Pour ce dialogue, la contribution des laïcs est indispensable : « Par l’exemple de leur vie et par leur action, les fidèles laïcs peuvent améliorer les rapports entre les adeptes des différentes religions3 », et, de plus, certains d’entre eux seront en mesure de contribuer à la recherche et à l’étude
Jean-Paul II a donné de nombreuses fois l’exemple dans ce domaine, par exemple en organisant les rencontres d’Assise (continuées par Benoît XVI), où les responsables de la plupart des religions se sont retrouvés pour prier pour la paix.
L’association Coexister donne un exemple de collaboration interreligieuse organisée par des laïcs.
On peut aussi donner en exemple les messages donnés chaque année aux hindous, par le Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux, à l’occasion de la fête hindoue de Diwali. En 2008, par exemple, le cardinal Tauran a invité les hindous à s’unir aux les chrétiens en faveur de la non violence :
Cette circonstance est traditionnellement pour nous l’occasion de réfléchir sur un sujet d’intérêt commun. C’est pourquoi j’aimerais vous proposer de réfléchir ensemble comment vivre harmonieusement dans les sociétés d’aujourd’hui, en témoignant de la vérité, de la lumière et de l’espérance que le Diwali célèbre. Alors qu’on reproche souvent aux religions d’être responsables des maux de la société, nous savons bien que c’est la manipulation de la religion qui est utilisée, contre la nature même de ses croyances fondamentales, pour laisser libre cours à de si nombreuses formes de violences.
Selon les circonstances, l’évangélisation peut être impossible, et le dialogue interreligieux peut être la seule manière de faire connaître Jésus. Le bienheureux Jean-Paul II insiste pour que les catholiques engagés dans ce dialogue persévèrent, même lorsque cela semble sur le moment ne porter aucun fruit :
Le dialogue est un chemin vers le Royaume et il donnera sûrement ses fruits, même si les temps et les moments sont réservés au Père (cf. Ac 1, 7).
Chapitre I : Jésus Christ l’unique sauveur
Chapitre suivant : Jean-Paul II nous exhorte à coopérer à l’activité missionnaire
1. Concile Vatican II, Décret sur l’activité missionnaire de I’Église Ad gentes, nn. 11. 15.
2. Concile Vatican II, Déclaration sur les relations de I’Église avec les religions non chrétiennes Nostra aetate, n. 2.
3. Exhortation apostolique post-synodale Christifideles laici, n. 35 : I.c., p. 458.
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