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Note de la modératrice :
Le Point-Cœur de Dakar est une petite communauté située dans le quartier de Grand Yoff, à la périphérie de Dakar.
De jeunes bénévoles, deux séminaristes et un prêtre y vivent une vie toute simple, au service des gens du quartier, donnant une priorité à l’amitié et à la prière.
Cette année, pour la première fois, l’équipe du Point-Cœur a organisé une représentation théâtrale avec trente enfants du quartier. Cette pièce a été un véritable succès, et vous pouvez commander le DVD pour 10€, au profit de cette communauté Points-Cœur du Sénégal. Voir au bas de l’article.
Le 22 septembre nous avons joué « Kirikou et la sorcière » au théâtre national Daniel Sorano. Je remercie ceux qui ont bien voulu contribuer à la réussite de cet événement en offrant des places pour nos amis du quartier.
Ainsi, nous avons pu emmener 350 personnes de Grand Yoff et de Keur Massar, dont certains de nos amis qui travaillent sur la décharge de Dakar (Mbeubeus). Ils s’étaient habillés de beaux boubous, enfants et parents pour cette sortie en ville, au théâtre ! Nous leur avions donné rendez-vous près du Point-Cœur, où six bus nous attendaient pour nous y conduire.
Le premier miracle c’est que tout le monde était à l’heure !
Le deuxième miracle, c’est que tout le monde est entré dans le théâtre. Nous ne savions pas avec exactitude lesquels de nos amis viendraient, et nous avions peur d’avoir vendu trop de places. Nous avons donc demandé aux enfants de se mettre deux par fauteuil. Bien avant le 22, toutes les places sont parties comme des petits pains. Nous les avions mises en vente dans trois librairies et les gens se sont rués dessus.
L’information a été relayée par de nombreux sites du Sénégal et des radios ; nous avions mis des affiches un peu partout dans Dakar, et le bouche à oreilles a fonctionné de façon extraordinaire! Nous étions forts de notre première représentation chez l’ambassadeur de France le 9 mars dernier, dont tout le monde disait du bien.
Mais aussi, Kirikou est en soi une publicité hors pair. Il suffit de dire : « Kirikou » et tout le monde accourt, les grands comme les petits.
Moi qui ne croyais pas pouvoir faire venir 400 personnes, nous étions 1300 dans le théâtre et nous aurions pu être 2000, car malheureusement beaucoup n’ont pu obtenir de place ! Une dame est même venue avec son fils de Saint-Louis (260 km) dans la journée pour voir la pièce !
C’était un bonheur de voir la belle salle du Sorano avec ses fauteuils rouges remplie à craquer d’une foule.
Troisième miracle, et le plus grand, fut la performance extraordinaire de nos enfants ! De l’avis unanime, ils ont joué comme de vrais petits « pros ». Nous en étions ébahis.
Certains se sont même « révélés » pendant le spectacle. Comme Vasco Mendy, celui qui joue le vieux du village : il a pris les tons de voix et les attitudes du vieux grognon et fit exploser de rire le public.
Florence Sambou jouait la femme forte, nous savions qu’elle était bonne, mais là, elle nous a épatés. Chaque réplique, chaque geste étaient joués avec précision et avec ce côté femme africaine dont la personnalité correspond aux formes !
Et puis Kirikou ! Un enfant me disait à l’entrée du théâtre : « je veux voir Kirikou en vrai » ! Mathias Sarr a tout accompli avec précision, avec la conscience d’un chef d’orchestre dont le rôle est central mais au service d’une œuvre plus grande que lui. Son beau sourire sous les applaudissements du public à la fin récompensait son travail.
Nous pourrions énumérer ainsi les 32 enfants, car tous se sont donnés de tout leur cœur : « Ça se voyait » nous ont dit les spectateurs, « il y a beaucoup d’amour entre vous ! » Et les mamans qui regardaient leurs enfants étaient fières : « Qu’ils sont beaux nos enfants ! » Qui aurait pensé que ces enfants issus de milieux si simples pourraient accomplir une telle performance !
Ce que nous enseigne l’histoire de Kirikou
Plus nous entrons dans ce Kirikou, plus l’œuvre nous apparaît belle et profonde. D’abord, elle met en scène l’Afrique en soulignant sa beauté. Mais Michel Ocelot ne se laisse pas enfermer dans une sorte d’africanisme, il présente en même temps la grandeur de l’homme dans la personne de Kirikou. Il met au centre cependant le mal qui se présente comme un mystère en face duquel on a le droit de s’interroger.
Ce mal, c’est Karaba la sorcière qui l’incarne. Mais elle n’est pas « le mal », elle le subit ; une cause plus lointaine l’origine : le mal fait mal et cause le mal, l’engendre comme son propre enfant. Selon la foi catholique le mal primordial s’appelle « le péché originel » qui se transmet en autant d’hommes ; Kirikou d’ailleurs découvre que Karaba n’est pas la seule à être méchante : les enfants aussi, les gens du village aussi. Le désir de Kirikou sera de délivrer Karaba de son mal en l’aimant.
Ocelot symbolise cette délivrance par le mariage final et la métamorphose de la création entière qui renaît, comme délivrée d’un disfonctionnement dû au maléfice de Karaba.
Et si c’était à refaire ?
C’est une grande question.
Cette pièce a été montée pour célébrer le vingtième anniversaire de l’association Points-Cœur au Sénégal. En l’occurrence, nous ne pouvions imaginer quelque chose d’aussi à propos. Kirikou a offert à nos enfants très chers l’opportunité de donner le meilleur d’eux-mêmes ; ils ont montré que même à Grand Yoff on peut faire des choses aussi belles qu’à Paris !
Ça c’est le principal, même si nos enfants et leurs parents ne saisissent pas jusqu’au bout l’ampleur de cette œuvre, mais ces mois à travailler la pièce a été pour les 32 enfants une proposition véritablement éducative.
Ensuite, Kirikou (comme un Jésus caché !) a rassemblé tous les horizons : les trois représentations (chez l’ambassadeur de France, dans notre quartier au Point-Cœur et au théâtre) a permis d’unir d’un même cœur les gens les plus divers, et toujours en grand nombre ! Du coup l’association Points-Cœur s’est faite connaître comme jamais avant. Ce théâtre a été comme une épiphanie de notre présence au Sénégal tant dans l’Église, que à Grand Yoff, que dans le Dakar chic, mais aussi dans le Dakar culturel ! Youssou Ndour le grand chanteur de Mbalax nous a parrainé, l’Institut Français nous regarde comme des partenaires, le Théâtre Sorano rêve que nous le rejouions chez eux…
Il existe un autre théâtre à Dakar : le Grand Théâtre National, inauguré il y a deux ans par le Président Wade, offert par les chinois. J’y suis allé. Il est magnifique ! Immense, flambant neuf, avec une salle de spectacle de 1800 places. J’ai pris rendez-vous avec l’administrateur du Théâtre qui en ni une ni moins a applaudi le projet en nous offrant la salle, toute l’infographie, de faire des décors, de redesigner les costumes…
Le plus drôle c’est qu’une heure après être sorti de ce rendez-vous, j’ai vu une grosse 4×4 noire verres fumés s’arrêter, ouvrir sa portière. On me fit signe d’entrer. C’était le directeur du Théâtre Sorano ! Il me proposa de ressusciter notre spectacle car, vraiment c’était beau ! Je ne savais quoi dire, en tout cas je n’ai pas dit que je sortais du Grand Théâtre son concurrent. Il doit me rappeler dans un mois.
Cette histoire nous dépasse un peu. Et ce n’est pas le centre de notre mission. Depuis octobre, nous avons repris le rythme des visites dans le quartier, la vie simple et belle partagée avec nos amis.
Bref, nous pourrions envisager une nouvelle représentation vers la fin de l’année scolaire. Le projet est à l’étude, il est remis surtout dans notre prière pour faire ce que Dieu attend de nous.
Voici la bande annonce :
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