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« Si je t’aime, prends garde à toi ! »

Temps de lecture estimé 3 min 30

Une des originalités sociales de notre époque est la tendance à croire que l’amour entre un homme et une femme (ou bien entre deux hommes ou deux femmes) est une entité dont l’existence est totalement indépendante de la raison et de la volonté des personnes qui le subissent.

Quand je parle d’amour, je parle ici de l’attachement affectif envers une personne (normalement de l’autre sexe), qui fait qu’on a un profond désir de sa présence, de partager sa vie d’une manière exclusive, d’être uni à cette personne corps et âme pour toujours (sur le moment en tout cas).

L’idée d’un amour violent et non maîtrisable a toujours existé, car il y a toujours eu des personnes qui se sont laissées embraser pour un(e) bien-aimé(e) inaccessible, et ces passions ont parfois conduit jusqu’à la mort, dans la réalité comme dans la littérature.

Mort de Tristan et Iseut, enluminure de Tristan de Léonois, France, Ahun, XVe siècle, BNF

Mais aujourd’hui cette conception envahit toute la vie sociale et tous les rapports amoureux. Cette sorte de fatalité du sentiment est omniprésente dans les films et séries télévisées, et elle a bien des conséquences dramatiques sur des familles et des individus. Aux yeux d’un grand nombre de nos contemporains, si l’amour s’éteint dans le cœur d’un des conjoints, c’est un drame inexorable qui ne peut raisonnablement qu’aboutir à un divorce, ou à un enfer familial ; si une personne est victime d’un coup de foudre, il est inexorable soit qu’elle s’engage dans une vie commune ou une liaison avec la personne aimée, soit qu’elle porte sa souffrance pour une bonne partie du reste de sa vie, quelles que soient les circonstances. Pour notre société, la seule chose considérée comme conforme à la raison est de suivre toutes les impulsions de ses sentiments.

L’Église catholique aime l’amour, elle aime les mariages d’amour et elle condamne les mariages forcés. Cependant, elle a toujours enseigné que l’homme est un être plus grand que ses pulsions, qui a en lui la capacité de soumettre ses passions plutôt que de leur être soumis. Cela ne veut pas du tout dire que pour les chrétiens, une personne devrait être assez forte pour rester avec un conjoint qui n’est plus aimé ni supporté ! Non, mais l’amour vient de Dieu, et un chrétien, vraiment déterminé à être fidèle à son engagement dans le mariage, peut puiser en Dieu l’amour dont il a besoin pour que la tendresse se renouvelle dans son cœur. Il peut y avoir un combat intérieur violent, mais il n’y a pas de fatalité, et la voie proposée par Jésus est celle d’un vrai bonheur, pas d’une autodestruction.

Cette idée d’une fatalité inexorable du sentiment peut aussi avoir des conséquences destructrices dans le cas d’une personne amoureuse sans réciprocité. À ce sujet, Jean-Paul II avait écrit, avant d’être pape, dans son livre Amour et responsabilité :

La réciprocité […] suggère que l’amour n’est pas dans la femme ni dans l’homme — car alors il y aurait, au fond, deux amours — mais il est unique, il est quelque chose qui les lie. […] [Quand l’amour de la personne est unilatéral], il possède son aspect psychologique distinct et authentique, mais il manque de cette plénitude objective que lui confère la réciprocité. On l’appelle alors amour non partagé, et nous savons que celui-ci est inséparable de la peine et de la souffrance. Il arrive qu’il se maintienne même très longtemps dans le sujet, dans la personne qui le nourrit, mais cela n’a lieu que par la force d’une sorte d’obstination intérieure qui déforme plutôt l’amour et le démunit de son caractère normal. L’amour sans réciprocité est condamné d’abord à végéter, puis à mourir. Et souvent, en disparaissant, il fait s’éteindre la faculté même d’aimer. Évidemment, c’est là un cas extrême.

Se soumettre à un amour non partagé est profondément destructeur. Une personne qui est passionnément attachée à une autre qui ne l’aime pas, ou plus, n’a qu’un seul espoir de pouvoir vivre pleinement sa vie : couper toutes les attaches. Tant qu’elle fait une concession en conservant des photos, des sms, en prenant un café ensemble tous les six mois… Elle entretient un lien qui l’entrave profondément et l’empêche d’être ouverte à d’autres relations. Cela l’empêche même d’être attirante pour d’autres, car ce genre d’attachement intérieur est très souvent perceptible pour l’extérieur.

Il ne faut pas attendre qu’un autre amour remplace le premier avant de chercher à se libérer, car un amour qui se nouerait sur une plaie ouverte ne serait pas sain. Et il est important pour les personnes qui sont aimées malgré elles de se rendre compte qu’elles ne rendent pas service à leur ami(e) en cultivant les liens, en cherchant à le/la soutenir ou le/la consoler, que ce soit par compassion, par sentiment de culpabilité ou parce qu’un tel attachement est flatteur.

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  1. Charlotte

    Comme tout cela est vrai !

    Vérité et conseils très judicieux en même temps, dans cet article : merci !

    Quelle bonne description, bien expliquée, facile à comprendre, de la psychologie subtile des personnes qui aiment, dans différentes situations… Les illustrations sont aussi bien choisies.

    La croyance erronée dans la fatalité des sentiments : oui, voilà ce qui fait le malheur de tant de gens, et qui cause tant de drames, dans nos société modernes…

    Raison et volonté : oui ! Ca n’empêche pas l’amour véritable, dans le cadre du mariage… Au contraire…

  2. Marielle

    Merci à toi la cat

    Merci à toi la cat-modératrice pour cet article plein de bon sens et de Sens.

    Il contient des “clés” qui vont m’aider. Interpelée…

    Juste l’affiche de Carmen me dérange un peu…

    Déjà bon dimanche à toi.

     

    • Cat-modératrice

      Merci Marielle, bon dimanche

      Merci Marielle, bon dimanche à toi !

      L’affiche de Carmen (d’où est tiré le titre de l’article) a pour but d’illustrer l’idée fausse comme quoi l’amour est quelque chose qui nous domine d’une manière absolue.
      L’opéra de Carmen est l’histoire d’un homme dont la vie est complètement détruite à cause d’un amour passion contre lequel il n’a pas pu résister, et qui va jusqu’à faire de lui un meurtrier à la fin.

  3. Natirosabella

    Article très intéressant

    Merci pour ce bel article et pour les éclaircissements apportés sur l’amour. En effet, de façon paradoxale, l’amour est un sujet qui concerne tout le monde et sur lequel tout le monde a un mot  à dire, mais c’est pourtant à mon avis un sujet sur lequel peu de gens savent grand chose. De nos jours ce mot est galvaudé et crier à tort et à travers sur tous les toits, on veut être aimé , mais on n’aime pas assez, on cherhce l’amour ,mais on ne le reconnait pas quand il se présente à nous, on aime celui qui ne nous aime pas et on on aime pas celui qui nous aime , et on est ainsi pris dans un tourbillon de “mauvais amours”, d'”amour souffrance”d'”amour raté” ,”amour non partagé”…(à ce propos , merci pour la référence au texte du Pape Jean Palu II, j’irai lire le bouquin). Le véritable probmème est que nous ne prenons ni le temps, ni  la peine, avant de nous jeter dans les histoires d’amour , de revenir aux fondamentaux à savoir : qu’est ce que le véritable amour, comment en prendre connaissance , quels en sont les véritables modèles!!!

    Je vous remercie Cat -modératrice, car votre article m’a permis de comprendre non seulement ce que je viens d’écrire mais enseigne aussi quant à l’amour non partagé et à l’amour de quelqu’un malgré nous !! VRAIMENT merci!!! Je comprends encore mieux ce qu’est le véritable amour , et savoir que Dieu étant la source du véritable amour, nous devons puiser en lui qui est infiniment amour , la force de notre amour !!!!

  4. Evangéline

    Merci Catherine pour ce sujet

    Merci Catherine pour ce sujet, très important pour nous faire comprendre ce qu’est le véritable amour. Cela, me donne un peu plus de discernement.

  5. jeannine

    quand l amour s éteint et que
    quand l amour s éteint et que malgré nos efforts rien ne va plus
    Dieu veut il que nous soyons malheureux le reste de notre vie???
    et devenir aigri triste et destructeur pour soi même et l autre est ce la solution ???
    Les divorcés seraient ils plus mal vu que les criminels les assassins aux yeux de Dieu ???
    Un divorce n est pas une décision facile a prendre et on en sort pas indemne .Rompre ce sacrement est 1 acte très difficile a faire . mais quand l amour est éteint pour les 2 conjoints N avons nous pas droit a une seconde chance ???
    Nous n avons plus droit à la communion ;mais les criminels eux
    Dieu voit la sincérité de nos cœurs et Jésus le révolutionnaire de son époque ,peut être en venant à notre époque nous donnerait une autre lecture sur le sujet
    C est 1 sujet délicat attention à ne être “intégristes” et restons ouvert et attentif aux autres nous simple humain ne jugeons pas avec notre regard .

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