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Le site internet TopAccuse où les membres confessent leurs fautes et se font juger

La confession de ses fautes à un prêtre est aujourd’hui une pratique beaucoup moins généralisée qu’au temps où la France était officiellement catholique. Malgré tout, nous serions sûrement surpris si nous interrogions les prêtres sur le profil des personnes qui viennent les voir aux permanences de confession.

Mais avouer le mal que l’on a fait à une personne qui nous voit ou au moins nous entend a toujours été et restera un acte difficile.

L’Église catholique a toujours été très claire sur l’interdiction de la confession à distance, que ce soit par courrier, téléphone, minitel ou Internet.
À quel besoin répond donc la multiplication des sites de « confession » ? D’après Google, environ 1000 personnes francophones par mois cherchent à savoir comment faire une « confession par Internet » ou une « confession en ligne ». Un site sérieux propose même un modèle de lettre pour faire une demande de confession en ligne à un prêtre.
Que ce soit sur des sites de « confessions » en ligne, ou en se confiant en profondeur sur des forums, les internautes cherchant à soulager leur conscience et à recevoir des conseils se privent de trois grands biens.

1. La confidentialité

Le secret de la confession est l’un des principes les plus sacrées de la religion catholique. Le prêtre qui trahirait ce secret serait immédiatement frappé par l’excommunication latae sententiae : même si personne n’apprends jamais son acte, il est coupé de l’Église sans qu’un évêque ait besoin de le décider. Il y a très peu de fautes punies par une excommunication latae sententiae : la trahison du secret de la confession est mise au même niveau de gravité que le schisme ou la profanation du corps et du sang du Christ dans l’Eucharistie.
La confession est un acte intime où le prêtre sert de point de contact entre l’homme et son Dieu.

Sur Internet, nous nous sentons plus anonymes. Il est vrai que nous n’avons pas à affronter le regard des personnes qui liront notre message. Mais quelqu’un qui le voudrait vraiment pourrait sans doute réussir à retrouver les auteurs de la plupart des confessions en ligne et des messages postés sur les forums.
Sur certains forums, on se sent aussi entre soi, on discute entre personnes partageant des points communs. Mais combien d’internautes lisent les messages postés en plus des quelques uns qui participent à la conversation ! Sur le site du forum Doctissimo, on peut voir le nombre de réponses à un message et le nombre de fois où ce message est lu : dans la rubrique « remords-regrets » (maintenant supprimée), pour certaines discussions il peut y avoir 600 fois plus de lectures que de messages écrits !

Ainsi, le site ourigoler.com proposait de s’amuser en visitant les différents sites de confession :

Le confessionnal (site supprimé)
Ce site vous permettait de vous confesser gratuitement et anonymement en ligne et de découvrir les autres confessions, souvent très drôles des autres internautes.

Sur le site javoue.com, il y a carrément, en bas de chaque « confession », un lien intitulé « Envoyer cette confession à un ami ».

Ainsi les aveux deviennent occasion de divertissement, au lieu d’être l’occasion d’une redécouverte de sa propre dignité humaine face à un Dieu prêt à nous accueillir entièrement, valorisant nos qualités, acceptant nos faiblesses, voulant à la fois nous consoler du mal que nous avons fait et nous relever pour que nous puissions devenir pleinement humains.

2. L’exigence

Pour qu’une confession soit valide, il est nécessaire de regretter le mal que l’on a fait, et de vouloir arrêter de faire le mal, peu importe si on doute fort d’en être capable.
Normalement, le prêtre doit nous aider à clarifier les choses au sujet de ces intentions, et nous encourager fortement à cesser de faire le mal, à changer de vie s’il le faut. Si nous ne refusons de changer, nous ne pouvons pas recevoir l’absolution. Si ce n’est pas un refus de notre part, mais une incapacité, c’est différent. Le sacrement de réconciliation (confession) est justement là aussi pour nous aider à avancer malgré nos chutes.

Sur la plupart des forums, les messages sont classés par catégories, et les gens discutent entre personnes partageant partiellement une même situation. Il en résulte  facilement une sorte de communauté de complaisance, où l’on peut se consoler les uns les autres, et se donner raison. D’ailleurs, les gêneurs qui ne partagent pas le point de vue ou la complaisance de cet entre-soi seront souvent exclus ou bannis du site en question.

3. Le pardon

Les internautes qui avouent leurs fautes sur un forum trouvent parfois de l’aide, souvent de la complaisance, ou bien des moqueries de la part de ceux qui veulent se divertir de ces « confessions ».

Mais il y a une limite à la complaisance. De même que dans les prisons, certains types de criminels sont haïs de tous les autres détenus parce que considérés comme les vrais mauvais, de même chez les « confessionautes »,  il y a un seuil de méchanceté à ne pas franchir pour ne pas se faire lyncher. Certains aveux pleins de détresse rencontrent une avalanche d’accusations et d’insultes. De quoi pousser au désespoir celui qui ne sait déjà pas comment vivre avec le poids de ses fautes.

Toujours sur le forum de Doctissimo, une ado ou une jeune femme, ayant un « copain », exprime sa souffrance d’avoir, sous l’emprise de l’alcool, embrassé un homme auquel sa meilleure amie s’intéresse. Le seul message qu’elle reçoit en réponse :

Je peux te dire que j ai deja pris une biture et JAMAIS!!!!!!!! j aurais fait une chose pareil, franchement t’es pas une amie en qui on peut avoir confiance…
Je suis méchante mais c’est la facilité de dire ” aidé moi je me suis saoulée et je me suis laissée plotter par le copain de ma meilleure amie” ça tient pas debout.
Et tu ne te respectes pas non plus, parce que pour ma part il aurait pris une sacrée giroflée a cinq doigts.

De même, les internautes se liguent parfois pour en convaincre un autre de ne pardonner à aucun prix. C’est vrai qu’il est parfois utile de se faire aider pour faire le pas de couper une relation néfaste ou destructrice. Mais sur Internet les incitations vont souvent plus loin que ce genre de conseils : on y trouve beaucoup d’exhortations au refus de miséricorde. Certains actes « ne peuvent avoir aucune excuse » et « ne doivent surtout pas être pardonnés », peu importent les circonstances, les regrets du coupable et les probabilités de récidive ou de non-récidive.

Dans la rencontre avec Dieu, à travers le prêtre, dans la confession, il n’y a pas de limite au pardon. L’attitude du cœur permet de s’ouvrir ou non au pardon de Dieu, mais ce pardon n’est pas conditionné par la gravité de la faute ni même par le nombre de récidives. Dieu est amour infini. Nous voyons beaucoup de différence entre une petite erreur et une grosse trahison, mais face à l’infini de l’amour, l’énormité d’une faute reste toujours dérisoire.

C’est aussi parce que le couple chrétien a pour vocation d’être un signe de l’amour de Dieu que l’engagement dans le sacrement de mariage ne peut être qu’inconditionnel. Nous ne pouvons pas dire « Je t’aimerai toujours à condition que tu ne me trompes jamais ». Que ce soit l’homme ou la femme qui dise cela, il ne s’agit alors plus d’amour. Une séparation, temporaire ou définitive, peut être nécessaire pour se protéger d’une relation devenue destructrice, mais pour aimer comme Dieu aime, nous ne pouvons pas décider que certains péchés sont impardonnables.

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