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Jeudi 22 octobre, le magazine Le Figaro Madame a publié un article intitulé : Ces jeunes couples qui attendent le mariage pour faire l’amour. Dans cet article nous sont donnés des extraits du témoignage de plusieurs couples de jeunes ayant choisi d’attendre le mariage avant de vivre l’union des corps.

La première jeune femme citée déclare que ce qui préside à leur décision est « Notre éducation catholique dans laquelle l’intimité des corps est quelque chose de précieux, et dont le but premier est de donner la vie. »

L’Église catholique enseigne-t-elle vraiment que la procréation est le but premier de l’union sexuelle entre deux conjoints ?

C’était le cas dans le Code de Droit Canonique de 1917 : « La fin première du mariage est la procréation et l’éducation des enfants ; la fin secondaire est l’aide mutuelle et le remède à la concupiscence. »

L’Église catholique a évolué sur ce point. Le Concile Vatican II ne l’aborde pas directement. C’est entre 1960 et 1980 que la perspective change. Aujourd’hui l’Église enseigne donc que l’union sexuelle a deux buts indissociables, et que la procréation n’est pas plus importante que l’union d’amour entre un homme et une femme mariés. De nombreux textes du magistère rappellent cette double dimension de l’acte conjugal, la dimension unitive et la dimension procréative.

L’Église enseigne que l’on ne doit pas séparer ces deux dimensions, mais la dimension unitive, qui a pour but le don de soi et l’approfondissement de la communion entre les époux, peut être considérée comme première, car la procréation est un fruit de cet amour.

Parmi les nombreux textes qui en parlent, voici par exemple le texte Vérité et signification de la sexualité humaine du Conseil Pontifical pour la Famille, publié le 8 décembre 1995 :

Dans la mesure où elle est une voie pour entrer en rapport et pour s’ouvrir aux autres, la sexualité a comme fin intrinsèque l’amour, et plus précisément l’amour comme don et accueil, donner et recevoir. La relation entre un homme et une femme est essentiellement une relation d’amour : « La sexualité doit être orientée, élevée et intégrée par l’amour qui, seul, la rend vraiment humaine ». Quand un tel amour s’actualise dans le mariage, le don de soi exprime, au travers du corps, la complémentarité et la totalité du don.

[…] Une éducation chrétienne à la chasteté donnée dans la famille ne peut passer sous silence la gravité morale que comporte la séparation de la dimension unitive d’avec la dimension procréative dans le cadre de la vie conjugale, telle qu’elle se réalise surtout avec la contraception et dans la procréation artificielle: dans le premier cas, on entend rechercher le plaisir sexuel tout en intervenant sur l’expression de l’acte conjugal afin d’éviter une conception : dans le second cas, on recherche la conception en substituant une technique à l’acte conjugal. Cela est contraire à la vérité de l’amour conjugal et à la pleine communion des époux.

Le Code de Droit Canonique affirme que :

2363 Par l’union des époux se réalise la double fin du mariage : le bien des époux eux-mêmes et la transmission de la vie. On ne peut séparer ces deux significations ou valeurs du mariage sans altérer la vie spirituelle du couple ni compromettre les biens du mariage et l’avenir de la famille.

Dans Amour et responsabilité (1962), Karol Wojtyla, futur pape Jean-Paul II, affirmait déjà que :

Pour bien des raisons, le mariage peut ne pas devenir famille, mais le manque de famille ne le prive pas de son caractère essentiel. En effet, la raison d’être intérieure et essentielle du mariage n’est pas seulement de se transformer en famille, mais surtout de constituer une union de deux personnes, union durable et fondée sur l’amour.

Il n’est pas bon d’empêcher l’acte sexuel de porter le fruit qu’il pourrait porter, mais le don d’amour de l’époux et l’épouse l’un à l’autre est le but fondamental du mariage, qui demeure même quand la procréation est impossible. D’ailleurs, l’Église encourage l’utilisation des méthodes naturelles de régulation des naissances où, lorsque l’on souhaite attendre avant une prochaine conception, les rapports sexuels ont lieu dans les périodes où la femme n’est pas féconde. De plus, s’il est impossible pour un homme souffrant d’impuissance sexuelle de recevoir le sacrement du mariage, l’Église ne l’interdit absolument pas pour des personnes qui savent être dans l’impossibilité de concevoir un enfant, qu’elles soient stériles ou trop âgées. La fécondité de l’union d’amour d’un homme et d’une femme n’est pas forcément biologique.

Dans Humanae Vitae, le bienheureux pape Paul VI lançait aux hommes de science pour qu’ils perfectionnent les méthodes naturelles visant à « une saine régulation de la procréation humaine », dans la foi qu’« il ne peut y avoir de véritable contradiction entre les lois divines qui règlent la transmission de la vie et celles qui favorisent un authentique amour conjugal ».

La Bible aussi nous fait comprendre que l’union sexuelle des conjoints a pour objectif premier de vivre une grande communion, en particulier lorsque l’apôtre Paul compare l’union des conjoints à l’union d’amour entre Jésus et l’Église :

De la même façon les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Aimer sa femme, c’est s’aimer soi-même. Car nul n’a jamais haï sa propre chair ; on la nourrit au contraire et on en prend bien soin. C’est justement ce que le Christ fait pour l’Église : ne sommes-nous pas les membres de son Corps ? Voici donc que l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et les deux ne feront qu’une seule chair : ce mystère est de grande portée ; je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Église. (Ep 5, 28-32)

L’union de notre âme au Christ est une finalité : Jésus ne veut pas d’abord nous unir à lui dans le but que, devenus meilleurs, nous fassions du bien aux autres, et nous attirions les autres à Lui. Mais la fécondité de notre union à Jésus est indissociable de l’union elle-même. On ne peut pas se rapprocher du Christ sans que cela nous pousse vers les autres, et sans que cela attire (même si ce n’est pas toujours visible) d’autres âmes vers le Christ.

Toujours dans Amour et responsabilité, Karol Wojtyla, fait l’éloge de la sensualité dans le mariage, lorsqu’elle est vécue hors de tout égoïsme :

Mais tout cela ne prouve pas que l’excitabilité sensuelle, en tant qu’innée et naturelle, soit moralement mauvaise. Une sensualité exubérante n’est qu’une matière, riche mais difficile à manier, de la vie des personnes et qui doit s’ouvrir d’autant plus largement à tout ce qui détermine leur amour. Sublimée, elle peut devenir (à condition de ne pas être maladive) l’élément essentiel d’un amour d’autant plus complet, d’autant plus profond.

Dans ce même ouvrage, il condamne les deux forme d’utilitarisme sexuel : utiliser la personne comme objet de jouissance, dans la sexualité déconnectée de sa dimension procréative, utiliser la personne pour concevoir des enfants, dans la sexualité déconnectée de sa dimension unitive.

Cette deuxième forme d’utilitarisme a malheureusement été prônée par certains auteurs chrétiens, en particulier pendant la période de l’hérésie janséniste. L’union sexuelle entre conjoint était considérée comme un mal nécessaire pour pouvoir concevoir des enfants, et l’on conseillait aux époux d’éviter au maximum la jouissance. Mais, heureusement, l’Église n’a jamais approuvé officiellement de doctrine dévalorisant la sexualité, qu’elle n’a jamais réduite à la dimension procréative.

La première forme d’utilitarisme dont parle le futur pape, l’utilisation du corps de la personne dans le seul but d’en tirer de la jouissance, s’est particulièrement développée en occident dans les années 1960-1970. Cet utilitarisme de la jouissance a coïncidé avec la capacité et la volonté de séparer totalement la procréation de l’acte sexuel. Karol Wojtila nous explique qu’il est impossible de garder la dimension unitive de l’acte sexuel lorsque l’on supprime l’ouverture à la vie. Un acte sexuel qui vise au bien de la personne à laquelle on s’unit ne refuse pas la dimension procréative qui est fondamentalement liée à l’union des corps.

L’Église catholique a mis beaucoup de temps pour comprendre pleinement le sens de la sexualité, et le rôle fondamental de l’union des corps dans la communion entre les époux ; pour comprendre que l’union sexuelle vécue dans le cadre de l’alliance indissoluble du mariage est un chemin pour l’homme et la femme pour ressembler davantage à la communion trinitaire. Il est normal que cette compréhension de la beauté de la sexualité soit l’objet d’un tel combat dans l’Église, car c’est cette sexualité qui a été blessée en premier par le péché originel. La réparation de cette blessure a donc un lien intime avec le salut du monde. Remercions le Seigneur de nous avoir donné Saint Jean-Paul II qui a tellement fait avancer l’Église dans la compréhension et la contemplation de ce mystère.

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