Temps de lecture estimé : 4 min

Le Seigneur a dit, parlant de nous ses disciples : « Qu’ils soient un, afin que le monde croie » (Év. Jean 17,21).

Au cours du premier millénaire, la communion s’était globalement maintenue entre les chrétiens, à part quelques schismes mineurs.

Depuis 1054, l’unique Église du Christ, notre Église, subit un drame qui est celui de la division fondamentale entre l’Occident et l’Orient. C’est le schisme avec ceux qui se désignent eux-mêmes comme « orthodoxes ».

Le métropolite Hilarion et le cardinal Kurt Koch

Depuis le VIIIe siècle, les querelles ne cessaient plus entre l’Occident et l’Orient, le monde latin et le monde grec. Ces deux langues en étaient venues à désigner deux aires culturelles différentes. En 1054, la rupture est consommée, chaque partie excommunie l’autre. Cependant, en 1965, le pape Paul VI et le patriarche de Constantinople Athénagoras lèvent ces excommunications mutuelles. Cela ne signifie en aucune manière que le schisme soit résorbé, mais c’est un pas en avant vers la pleine communion.

La division entre les chrétiens a toujours été un scandale, mais elle l’est encore plus aujourd’hui. En effet, n’importe quel croyant ou non-croyant en recherche de sens dispose de moyens considérables pour s’informer de toutes les religions du monde. Comment peut-il comprendre les divisions chrétiennes ? Comment ne serait-il pas scandalisé devant ces divisions qui concernent une religion qui prêche l’amour, le pardon et l’unité ? Voilà une question qui doit, pour un chrétien, rester toujours comme une blessure qui nous pousse à la prière et, si la grâce nous en est donnée, à l’action.

Contrairement au protestantisme, l’orthodoxie est très proche de l’Église catholique en matière de doctrine. Alors pourquoi est-il si difficile d’imaginer un retour à la pleine communion ?

Voici quelques éléments pour comprendre la situation de nos relations avec nos frères orthodoxes en 2013.

D’abord, le fond d’incompréhension entre Orient et Occident demeure. Les griefs orientaux contre les latins sont anciens et très ancrés dans les mentalités.

Aujourd’hui, l’élément prépondérant semble être une grande peur, qui empêche les autorités orthodoxes d’aller plus loin dans le rapprochement. En effet, on peut comprendre que ces bergers, qui veillent sur un troupeau de 250 millions d’âmes, soient un peu effrayés à l’idée d’intégrer le troupeau catholique de plus d’un milliard deux cents millions de fidèles, qui lui, est placé sous l’autorité du seul pape. Nos frères orientaux ne veulent pas être noyés dans la masse.

Le pape et l’ensemble des autorités catholiques rassurent sans cesse les orthodoxes : toute leur hiérarchie sera maintenue, le pape n’a aucune intention de s’ingérer dans les désignations des patriarches orientaux et dans leurs règles liturgiques, canoniques…

Ces assurances semblent pour l’instant insuffisantes pour que les patriarches d’Orient acceptent d’aller plus loin vers la communion. Ils reconnaissent volontiers que le pape « préside à la charité », mais selon eux, il n’a aucun droit à une autorité réelle sur leurs Églises.

Enfin, il faut toujours compter avec une énorme inertie. Le schisme est très ancien, et la préoccupation de la pleine communion n’est pas ressentie avec le même degré d’urgence en Orient et en Occident. Les Orientaux ont surtout le souci de se reconstruire après l’énorme bouleversement de la période communiste.

Cependant, de grands signes d’espoir sont perceptibles. Pendant la période communiste, le monde orthodoxe a été pratiquement coupé du reste du monde. Aujourd’hui, les fidèles comme les responsables orthodoxes découvrent le monde catholique, et eux aussi se demandent de plus en plus pourquoi la coupure catholiques-orthodoxes se maintient encore au XXIe siècle, près de mille ans après le schisme.

Les relations entre la papauté et le patriarcat de Constantinople, le patriarcat qui a la primauté d’honneur parmi tous les autres, sont bonnes depuis Paul VI, mais ce patriarcat ne représente qu’une infime partie des 250 millions d’orthodoxes.

L’Église orthodoxe russe est le plus gros enjeu. Forte de 140 millions de fidèles, l’attitude de son patriarche est décisive pour l’avenir des relations entre l’orthodoxie et le catholicisme. Des échanges de lettres ont eu lieu en 2006 entre Benoît XVI et le patriarche de l’époque, Alexis II. Celui-ci est venu à Paris l’année suivante vénérer la Couronne d’Épine du Christ. Depuis l’élection du patriarche Cyrille en 2009, les liens se sont encore resserrés. En août 2013, le métropolite Hilarion, chef du Département des relations ecclésiastiques externes du Patriarcat de Moscou, a parlé d’une dynamique positive enclenchée depuis le pontificat de Benoît XVI.

Un retour à la pleine communion serait un événement providentiel d’une portée incalculable, tant ce schisme est aujourd’hui incompréhensible, quand on a sous les yeux la communion doctrinale presque totale entre les deux confessions.

Nous prions pour que ce schisme n’atteigne pas sa millième année, nous prions pour que le Seigneur, dans sa miséricorde, fasse à son unique Église le don de l’unité, pour que d’ici 2054, les cœurs des responsables et des fidèles s’embrasent pour la cause de l’unité, et que l’Orient et l’Occident puissent enfin se retrouver comme des frères après une longue séparation.

Retour au blog Saint Jean-Paul II