Le jeune écrivain catholique Philippe Ariño a bien voulu prendre le temps de répondre aux questions que je lui ai envoyées.

Homosexuel assumé et chaste, catholique militant contre le mariage des personnes de même sexe, il a déjà publié plusieurs livres à succès et participé à de nombreuses émissions et interviews.

Philippe Ariño à Lourdes (novembre 2012)

J’ai volontairement évité de poser des questions sur la position de Philippe sur le « mariage pour tous », et sur l’origine du désir homosexuel, deux sujets sur lesquels il a déjà abondemment écrit et parlé.
INTERVIEW DE PHILIPPE ARIÑO VIA FACEBOOK
Est-ce qu’une personne homosexuelle chaste peut être vraiment heureuse ?

Toute personne humaine, homosexuelle ou pas, pour être pleinement heureuse, est appelée à vivre la chasteté, c’est-à-dire la juste distance qui permet la relation. La chasteté, ce n’est pas l’absence de génitalité, contrairement à ce que pourrait nous faire croire l’expression un peu datée attribuée aux vœux religieux… ou à des ceintures ! Tous, même les couples mariés ne se privant pas de la génitalité, même l’artiste avec son œuvre d’art, même les amis entre eux, même l’homme politique avec son Peuple, doivent résister aux fusions destructrices. En revanche, la chasteté particulière qui est demandée aux personnes homosexuelles sentant qu’elles ne pourront pas assurer un mariage femme-homme aimant librement, ni un célibat consacré heureux, c’est la continence.

Alors je reformule ma question : est-ce qu’une personne homosexuelle continente peut être heureuse ?

Bien sûr qu’elle peut être heureuse ! Le bonheur ne passe pas que par la génitalité. L’abstinence pour Jésus est une forme d’exercice de sa pleine liberté.

Est-ce que le chemin vers la sainteté est fermé pour les personnes homosexuelles qui n’arrivent pas à résister à leurs pulsions et à vivre chastement ?

Je crois que oui. En Amour, on ne peut pas servir deux maîtres : la chair et l’Église catholique (dont Jésus est la tête). La sainteté est un chemin de liberté fermement et uniquement posée. Si une personne qui est habitée par un désir homosexuel qu’elle n’a a priori pas choisi, s’y adonne et le pratique, elle ne se donne pas en corps et en cœur à l’Église… donc elle ne peut pas faire Un avec Elle. Logique.

Vous sentez-vous accueilli et accepté par les catholiques que vous connaissez ?

Oui. Je suis épaté de l’accueil unanime des catholiques à mon égard. En général, ils m’aiment énormément et prient même pour moi. Il ne faut pas croire que ce sont des gens qui vivent dans leur bulle. En m’accueillant chaleureusement, ils ont l’impression d’accueillir toutes les personnes homosexuelles qu’ils connaissent dans leur entourage. Quand j’entends quelqu’un me dire que les cathos sont homophobes, je souris intérieurement… et j’ai de sérieux doutes sur son homophobie et son homosexualité latente exprimées par son anti-cléricalisme !

Est-ce que le chemin que vous avez choisi est possible aussi pour des hommes et des femmes qui n’ont pas un désir de Dieu aussi brûlant que le vôtre ?

Tout est possible si nous nous laissons façonner par Dieu et si nous arrêtons de croire que nous sommes nos propres maîtres. À propos de la continence et de ma réflexion sur l’homosexualité, je suis loin d’être un cas isolé, même si pour l’instant, nous sommes peu à nous montrer médiatiquement. Quand mes frères homosexuels se réveilleront, expliqueront à leur société les fractures sociales dont leur orientation sexuelle est le signe, se réconcilieront avec leur homosexualité et la culture homosexuelle sans les justifier sous forme d’identité fondamentale ou d’actes d’amour soi-disant « comblants », ça va déménager grave ! Notre monde pourra découvrir que les personnes homosexuelles sont des consciences du viol en éveil, de puissants facteurs de cohésion sociale et de convivialité, des déclencheurs de parole décomplexants, des saints inattendus et colorés !

Que voulez-vous dire par « des consciences du viol en éveil » ?

La blessure du viol ou du fantasme de viol identifiée dans le désir homo est un cœur ouvert pour toute notre société.

Un cœur ouvert dans quel sens ?

Une blessure, par l’ouverture qu’elle est dans la peau, peut être un passage, une fente.

Vous arrive-t-il de regretter d’avoir la foi ?

Les fois où ça aurait pu m’arriver, c’est quand j’aurais désiré mourir ou mal agir. Donc en gros, c’est rare !

Quel conseil donneriez-vous à un catholique qui souhaite se rapprocher de personnes homosexuelles catholiques pour les aider à vivre pleinement leur foi et à se sentir vraiment accueillies dans l’Église, et quel conseil donneriez-vous à celui qui souhaite se tourner vers ceux qui sont totalement hors de l’Église pour leur annoncer l’amour du Christ ?

Il suffit d’être joyeux, de rester accroché au Réel et au bon sens, et de ne pas fuir le sujet de l’homosexualité. C’est le meilleur moyen pour rayonner simplement de l’amour christique, pour parler avec justesse du désir homosexuel (même si on ne le ressent pas dans son corps), pour accueillir les personnes homosexuelles sans pour autant en justifier les couples.

L’homophobie est-elle encore vraiment forte aujourd’hui en France ?

Oui, je le crois. Parce que les mentalités évoluent très peu, contrairement à ce qu’on dit. Et la propagande pro-gay et gay friendly portée par la société bisexuelle n’arrange absolument pas les choses. On n’a jamais autant exhibé l’homosexualité en matraquant qu’il fallait la trouver normale et juger tous ses opposants, que maintenant, … alors que socialement, on se refuse à expliquer ce que sont vraiment le désir homosexuel et sa pratique, autrement dit l’homophobie. Cette censure par la surenchère d’exposition (sans la légende qui va avec) engendre énormément de frustrations, et un durcissement des camps « homos » et « hétéros », « pro-gay » et « homophobes ». Et après, on s’étonne de voir dans des pays soi-disant « ouverts aux droits homos » une montée en puissance des actes homophobes ! Évidemment, si on prend les personnes homophobes pour des imbéciles ou des diables désincarnés, en gommant leur passé ou leur futur homosexuels, en ne comprenant par leur étonnante gémellité de désir et de pratique avec les personnes homosexuelles, on simplifie et on alimente fatalement le phénomène d’homophobie !

L’homophobie n’est-elle pas nourrie par l’agressivité de certains homosexuels dans leurs revendications et leur façon de s’exhiber ?

Elle est surtout nourrie par la promotion sociale de la pratique homosexuelle et par les applaudissements bienveillants et sincères en faveur de la banalisation des couples de même sexe. C’est l’indifférence concernant la violence des actes homosexuels – bien plus que les images agressives et caricaturées de ces derniers – qui est le moteur d’homophobie le plus redoutable. Car elle prend l’apparence d’un bien, de l’« ouverture », de l’affirmation de soi, de la fierté, de l’amour. Or l’amour homosexuel n’est pas un amour comme les autres : il est fragile, peu comblant, non-fondé sur le Réel (dont la différence des sexes est le « roc »), et donc possiblement violent.

L’homophobie est-elle plus forte chez les chrétiens que chez les non-chrétiens ? Quelle est sa source ?

La source de l’homophobie, c’est la haine et la peur de soi. Une personne qui est mal dans son corps et dans sa sexualité, est exposée à la pratique de l’homosexualité et à la haine de cette même pratique (Ça dépend du sens du vent de ses pulsions). Concernant les chrétiens, je crois qu’ils sont moins exposés à l’homophobie que les autres étant donné qu’ils savent qu’ils sont appelés à préférer l’Incarnation.

À l’ère d’Internet, quel est le parcours le plus habituel d’un ado ou d’un enfant catho qui découvre son homosexualité sans y avoir été préparé ? Quel conseil donneriez-vous à un tel jeune s’il lisait ces lignes ? Et à un jeune athée ?

Le risque qu’il encourt, c’est de penser que l’amour ou l’identité sexuelle, ça se limite à une excitation génitale instantanée, à une aventure amoureuse sans lendemain, à une envie ou une pulsion spontanée ressentie à la vue d’une personne dénudée du même sexe. Et Dieu sait si maintenant, les images érotiques s’offrent à tous les yeux, y compris ceux des plus jeunes, dans notre société du « tout le monde à poil », imposant une démocratisation du porno sans complexes, tous sexes confondus.

Un homme homosexuel voulant être chaste peut-il vivre des amitiés fortes avec d’autres hommes ? Quelle réponse donner face au vide affectif qu’implique le renoncement au couple et au mariage ?

Bien sûr que l’homme homosexuel continent peut vivre des amitiés fortes avec des hommes. J’en fais l’expérience tous les jours ! Je n’ai jamais eu autant d’amis mecs que maintenant ! L’homme homosexuel continent, je vais jusqu’à dire que c’est l’Ami idéal, le Frère par excellence. Il a tous les bons côtés de l’homosexualité : l’humour décalé, la convivialité, la sensibilité, la « tchache », etc. C’est l’Homme libre parce qu’il a su se dominer lui-même. L’être humain qui se laisse téléguider par ses pulsions corporelles et ses désirs sexuels du moment se condamne à la frustration, même s’il trouve quelques compensations temporaires (sexe, drogue, affectivité, loisirs, biens matériels, voyages, etc.) qui lui font oublier un instant qu’il est sa propre marionnette.

Comment faire pour aimer l’Église et lui faire confiance, quand on se sent rejeté dans son identité même ?

On doit d’abord comprendre que si on se sentait rejeté de l’Église, c’est en réalité parce qu’on n’acceptait pas de s’aimer soi-même ni d’être libre.

Est-ce que vous avez choisi la chasteté seulement parce que l’Église vous le demande ?

J’ai choisi la continence d’abord par liberté et par bon sens, parce que j’ai compris, en écoutant mes amis homosexuels se plaindre inconsciemment du manque de celle-ci, qu’elle était la Voie Royale de l’homosexualité assumée et réconciliée. Et ce n’est qu’après coup que j’ai découvert que l’Église la proposait.

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