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Texte de Saint François d'Assise : « O beata solitudo
O sola beatitudo »
Pour beaucoup, la solitude est une ennemie. Être seul, cela veut dire, au mieux, ne pas être en couple, mais avoir des amis, au pire, ne même pas avoir d’amis.
Et puis, dès les premiers versets de la Genèse, Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ». Et effectivement, il crée la femme pour être sa compagne.
Donc, comment imaginer qu’il y ait quelque chose de positif dans la solitude ?
Regardons plus attentivement, cependant.
 
Dieu ne nous veut pas isolés, à l’écart. Cependant, il y a une forme de solitude qui est un don de Dieu, celle de la solitude avec lui. Si nous cherchons à toute force à y échapper, parce que Dieu ne compte pas vraiment pour nous, alors notre coeur restera toujours insatisfait, nous passerons à côté de l’essentiel de notre vie.
Si nous acceptons de nous retirer de temps en temps pour être seul avec lui, toute notre vie en sera illuminée, et alors nous pourrons être bien plus ouverts aux autres, que ce soit de futurs amis ou un futur conjoint.
Quelles sont les conséquences visibles d’un rejet de principe de toute forme de solitude ?
Pour les gens seuls, la conséquence sera souvent une amertume de plus en plus forte avec le temps ainsi que l’échec dans les rencontres. La douleur peut devenir si vive que l’on peut en venir à des actions extrêmes.
Pour ceux qui ont déjà des amis et/ou une vie de couple, leur solitude fondamentale peut les pousser à surenchérir, à en faire toujours plus. Faute de supporter cette solitude, ils multiplient contacts et conquêtes, sont de toutes les soirées, prennent et jettent les amours d’un soir ou de quelques mois en un instant. Bien sûr, beaucoup les haïssent et on comprend pourquoi. Souvent, eux-mêmes sont profondément malheureux dans cette fuite en avant, où ils ont l’impression de ne rien contrôler, et de faire beaucoup de mal. Mensonge, tromperie, dissimulation… toutes les barrières morales peuvent sauter dès lors que cette douleur intérieure n’est plus contrôlée.
Bienheureux donc, ceux qui savent distinguer solitude et isolement. Ils se réjouissent de la solitude fondamentale de tout être humain, même marié : la solitude avec Dieu, la solitude qui nous permet de l’écouter, de le recevoir, de nous plonger en lui. Ils savent que Dieu a un plan sur eux, et qu’il leur donnera ce dont ils ont besoin en temps voulu.
Dans la recherche d’amis et d’un conjoint, c’est la voie médiane qui est la bonne.
D’une part, utiliser les moyens qui sont à ma disposition d’une manière raisonnable, ni trop, ni trop peu : soirées, sorties, fêtes, sites de rencontres, sites d’entraide entre jeunes… À certains moments de notre vie, il est normal d’y aller plus fort, il y a des moments où il faut cesser de conduire avec un pied sur l’accélérateur et un autre sur le frein. Il est très bon de passer des heures à discuter avec un ami de toute confiance. Il est normal à plus de trente ans de s’inscrire sérieusement sur un site de rencontres chrétien dans le but on ne peut plus clair de se marier et de fonder une famille.
D’autre part, une vie de prière suivie nous aide à faire le discernement nécessaire. Nous y voyons plus clair sur la qualité intérieure des personnes que nous rencontrons. Nous découvrons ce qu’il est bon de faire (ou de ne pas faire !) avec elles, et nous recevons la force de l’accomplir. Dois-je aller à tel rendez-vous ? à telle fête ? Dois-je continuer de fréquenter un tel ou un tel ? Voilà des sujets à traiter en tête-à-tête avec Dieu ! (Et si possible aussi avec un ami de confiance et/ou un père spirituel mais ce n’est pas le sujet ici.)
Aussi curieux que cela puisse paraître, la vie monastique est une école pour nous. Moine vient de « monos », « seul » en grec. Le moine se définit donc par la solitude. Ce type de solitude est un appel spécifique de Dieu. Selon la formule traditionnelle, cette solitude est surtout un retrait, pour être « seul avec le Seul ».
Nous aussi, si nous ne demandons pas à Dieu ce désir d’être « seul avec Lui », notre soif de recevoir et de donner l’amour ne sera jamais comblée. Nous sommes « seuls avec Lui » si nous prenons des temps spécifiques pour le prier (solitude visible), et si nous essayons de rester en présence de Lui dans notre vie avec les autres (solitude invisible). En passant, notons qu’il est beaucoup plus facile de rester le regard tourné vers Dieu quand on a des amis, et a fortiori un conjoint, qui eux aussi partagent cette soif.
Notre solitude sera dès lors habitée, un vrai don de Dieu reçu comme tel. Nous saurons ainsi que même avec beaucoup d’amis, même avec un conjoint aimant, nous avons besoin de cette « bienheureuse solitude » (voir l’image : « Ô bienheureuse solitude, Ô seule béatitude ») pour puiser à la source ce qui fera de nous un conjoint qui aime et un ami sur qui on peut compter.
Nous recherchons une plénitude dans notre vie de relations, et nous tendons même vers cette relation bien spécifique qu’est le mariage ? Alors n’oublions pas la leçon de ceux qui sont « seuls » dans leur monastère. Eux aussi vivent une plénitude de relation qui nous rappelle quelle place Dieu doit occuper dans notre vie de relation si nous voulons qu’elle soit pleine : la première.

Voir aussi :
Vivre dans la présence de Dieu
Retraite en Chartreuse

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