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Les personnes handicapées ont-elles besoin d’assistants sexuels ?

Temps de lecture estimé : 4 min 30

Depuis quelques années, le débat sur le « droit des personnes handicapées à bénéficier d’une vie sexuelle » est de plus en plus nourri et mouvementé. Ce débat est d’abord celui sur la légalisation du métier d’« assistant sexuel ».

En France, de plus en plus de témoignages sont publiés, des livres sont écrits, des manifestes signés, des rapports rédigés… Au Québec, certains envient ce militantisme. En Suisse, comme dans quelques autres pays européens, l’« assistance sexuelle » est légale, et des formations sont dispensées.Aux États-Unis, un film est sorti le 19 octobre, qui sera sur les écrans français en mars 2013 : The Sessions de Ben Lewin. L’histoire d’un paraplégique qui fait appel à une « assistante sexuelle » pour perdre sa virginité.

Cette question de l’affectivité et de la sexualité des personnes souffrant de handicap est très délicate et douloureuse. Pour donner ma vision des choses, je préfère laisser la parole à une personne qui se consacre depuis des années au service des personnes handicapées, et qui est particulièrement bien placée pour parler de leurs souffrances avec le plus grand respect possible.
M. Philippe de Lachapelle, directeur de l’OCH (Office Chrétien des Personnes Handicapées) m’a donné l’autorisation de reproduire ici sa Note sur les assistants sexuels pour personnes handicapées du 14 février 2011 :

1) Sur la vie affective et sexuelle

– Les personnes handicapées, comme tout un chacun, et peut-être encore plus que d’autres du fait de leur handicap, ont besoin d’une vie sociale, relationnelle, un accès aux loisirs, à des activités, aux rencontres.

– C’est dans ce contexte de vie sociale et relationnelle que peut se développer la vie affective et sexuelle. Si cette vie sociale et relationnelle n’existe pas ou est insatisfaisante, c’est cela qui doit être interrogé et travaillé avant tout, sans quoi toute réflexion sur la sexualité sera biaisée

– Car c’est dans cette vie sociale et relationnelle que la personne va développer une vie sexuelle, qui ne se limite pas à la dimension génitale, mais à toutes les dimensions de son être d’homme, de femme : émotions, désirs, plaisirs corporels, pulsions, fantasmes, rêves, tendresse, … toutes choses qui sont nécessaires et légitimes pour développer la dimension sexuée de la personne dans sa singularité.

– La gratuité est un élément fondamental de l’épanouissement de cette vie sociale et relationnelle, à fortiori de la vie affective et sexuelle : car l’enjeu est bien d’être sujet avec d’autres sujets. Ceci vaut encore plus pour des personnes qui du fait de leur handicap se voient « prises en charge » de multiples façons par des soignants naturellement payés pour cela, au risque de se sentir dépossédées de leur corps devenu « objet » de soins.

– La relation sexuelle est la relation d’intimité par excellence, corps à corps, où les partenaires se donnent l’un à l’autre. Elle nécessite encore plus que soient respectées ces dimensions de « sujets », de gratuité, sans quoi, elle devient le lieu des violences les plus destructrices, car elles touchent précisément au plus intime. Ce que prend l’un au détriment de l’autre devient une violence dont la forme la plus extrême est le viol.

2) Sur le droit à la sexualité

– L’expression de droit à la sexualité n’est pas ajustée. Elle sous-entend que quelqu’un aurait des obligations. Elle affecte singulièrement la notion de consentement réciproque. L’inégalité ainsi induite introduit le droit de l’homme à l’accès marchand au corps de la femme (le plus souvent et depuis si longtemps dans ce sens, même si la réciproque est théoriquement possible), avec la logique de domination, de mépris, et de violence que cela contient.

– Dans une société très orientée sur le mode « exhibition – excitation », le droit à la sexualité laisse croire que l’exercice de la sexualité génitale est le seul moyen d’apaiser les tensions, de vivre le plaisir, voire de connaître le bonheur auquel on aspire, alors même qu’il relève de la qualité de vie sociale et relationnelle citée plus haut, dont la sexualité est partie intégrante. Cette revendication d’un droit à la sexualité ne relève-t-elle pas ce que Jean Claude Guillebaud appelle « la tyrannie du plaisir » ?

– Par contre, il est légitime de parler du besoin d’être reconnu dans ses désirs profonds de tendresse, d’attention, de plaisir corporel, de transmission de la vie… C’est dans ce besoin que prend racine l’accompagnement, y compris à la vie affective et sexuelle, avec ce qu’il suppose d’écoute, de parole échangée, dans une mutualité : entendre, reconnaître et partager ce désir afin de faire émerger l’humain.

3) Sur les assistants sexuels

– Le message adressé renforce le regard déjà si négatif sur la personne handicapée : certaines ne pourraient jamais susciter le désir sexuel chez l’autre, au point qu’il faudrait payer quelqu’un pour satisfaire leurs besoins.

– En confiant à un « professionnel » une prestation sexuelle, on touche à quelque chose de fondamental dans la relation avec les professionnels : tous les champs professionnels sont traversés d’une relation sexuée, mais ne doivent jamais être le lieu d’un acte sexuel, sauf à risquer de graves séquelles psychologiques.

– L’assistant sexuel est dans la situation de « l’objet qui me satisfait ». Cela exclut une relation de sujet à sujet, d’autant plus qu’il y a rémunération.

– Une réponse monnayée risque de créer une frustration encore plus destructrice en signifiant à la personne qu’il lui est impossible de vivre toutes ces dimensions relationnelles auxquelles elle aspire tant.

– Le risque d’attachement de la part de la personne handicapée est très important.

– L’assistant sexuel renforce un trait majeur dans le champ du handicap, à savoir qu’on pense le handicap en fonction d’un mouvement unilatéral qui va toujours de la personne valide vers la personne handicapée : un professionnel formé aux spécificités du handicap intervient sur l’individu en lui prodiguant quelque service spécifique dans un cadre confiné.

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  1. Tocco

    assistant sexuel
    Moi cela me fait mal de penser que nous ( à la demande bien sûre) ont doit demander la “permission d’avoir un acte sexuel” Je me sent rabaisser dans mon humanité. Les valides ont ils besoin ??? eux qui parfois se pavane dans dans des actes pervers. La sexualité et c’est vrai n’est pas à réduire à l’acte dite sexuel. Non c’est toute ma vie, mes relations mes activités ou je doit apprendre à vivre et à grandir dans ma sexualité. Cette question “assistant sexuel ” avait déjà été abordé il y a 30 ans un peu près. Dans mes rencontres de formations sur la catéchèse auprès d’handicapé. Le champ de réflexion était: comment aidé un couple handicapé à faire l’acte quand il ne pouvait le faire par eux même. Je pense que là c’était bien concret. Aidons-nous déjà à être avec tous le monde, sans restriction d’accessibilité. Et nous dans notre liberté comme un chacun nous apprendrons à grandir ensemble dans une vie sexuelle épanouis et libre

  2. viela

    bravo

    je suis valide et je ne comprend vraiment pas cette “permission d’avoir des actes sexuels”

    nous savons tous que le seigneur peut tout que rien ne lui echappe ,nous savons aussi que le malin essaye par tout les moyens de perdre les âmes;or quoi de plus beau que l acte quand il est fait pour procreer……

  3. Charlotte

    Vraiment, bravo pour cet

    Vraiment, bravo pour cet article, surtout cela :

    “Le message adressé renforce le regard déjà si négatif sur la personne handicapée : certaines ne pourraient jamais susciter le désir sexuel chez l’autre, au point qu’il faudrait payer quelqu’un pour satisfaire leurs besoins.”

    Les personnes qui sont persuadées que jamais elles ne pourraient aimer une personne ayant un handicap, et avoir du désir pour celle-ci, ces personnes sont un peu… handicapées du coeur. Ce sont ces même personnes qui, par “bons sentiments”, disent : “Oh oui, les pauvres handicapés, il faut leur payer une prost… euh pardon, un(e) assistant(e) sexuel(le) , ceux qui s’y opposent sont des monstres”.

    Après, les problèmes “techniques” sont à gérer entre les personnes concernées, comme dans une relation entre valides. Et comme les valides qui iraient voir un sexologue, les personnes ayant un handicap peuvent éventuellement, en couple, aller voir… ben tiens, un sexologue ! Ou comme les valides, elles peuvent aussi chercher des conseils sur internet…

    En tout cas, comme d’habitude, on invente un néologisme euphémistique pour tenter de cacher la réalité : on a eu l’interruption volontaire de grossesse (avortement provoqué) , la gestation pour autrui (mère porteuse) , le mariage pour tous (mariage entre 2 hommes ou entre 2 femmes) , et là… un(e) “assistant(e) sexuel(le)”, c’est un(e) prostituée(e) , tout simplement.

    Personne n’a réellement envie d’avoir une sexualité avec des prostitué(e)s, car, handicapés ou valides, nous sommes avant tout des êtres humains.
     

  4. Charlotte

    Très intéressant : regardez

    Très intéressant : regardez le lien à partir du mot “témoignages” ci-dessus (l’article du Parisien) , on n’y lit que le témoignage et les réactions de personnes… valides.

    C’est comme pour les enfants nés de mères porteuses : on ne les écoute pas.

    Les enfants “nés” du désir d’un “couple” homosexuel : on ne les écoute pas.

    Et évidemment, les enfants à naître qui sont assassinés lors de l’avortement, on nie carrément leur statut d’enfant à naître…

    C’est à cause de ce genre de monstruosités qui se développent dans notre société, que sans être vraiment croyante, je suis vraiment pour que l’on défende partout où c’est possible les valeurs chrétiennes, la “loi naturelle”.

  5. Charlotte

    J’ajoute : c’est seulement

    J’ajoute : c’est seulement avec les valeurs chrétiennes, la “loi naturelle”, que l’on a la garantie que l’être humain est respecté.

  6. Cat-modératrice

    Sortie en France du film The Session

    Le film The Session, dont je parle au début de l’article, sort maintenant en France.

    À cette occasion, M. Philippe de la Chapelle répond à une interview de La Vie :

    « Les personnes handicapées n’ont pas une sexualité spécifique »

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