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Affection pour nos proches et sainteté

Temps de lecture estimé : 5 min

Famille aimante

Le responsable de l’association Saint Jean de la Croix m’a autorisée à publier ici une partie de son dernier numéro du bulletin Oraison (bulletin mensuel d’aide à la vie spirituelle).

En quoi une affection particulièrement forte, celle d’un époux pour son épouse, ou d’une mère pour son enfant, par exemple, peut-elle contribuer à une plus grande sainteté ? Et au-delà, comment concilier la vie chrétienne comme amour inconditionnel du Christ, et nos affections terrestres ?

Celui qui répondra à ces questions rendra un grand service à tous ceux qui pensent qu’entre Dieu et un époux, ou des enfants, ou des amis, il faut choisir !

Et ce sont les mêmes qui se privent fréquemment d’une vie d’oraison, sous prétexte que leur devoir d’état ne leur en laisse pas le temps.

Bien souvent, en effet, nous opposons les deux commandements du Christ, aimer Dieu de tout son cœur et aimer son prochain comme soi-même, alors que le second puise sa force dans le premier : Dieu étant amour, plus une personne est unie à Dieu, plus elle est remplie d’amour, nous dirait saint Bernard (Sermon 26 sur le Cantique). Si bien que les vrais cœurs d’épouses, de mères, de filles, ce sont les cœurs des saintes, écrivait Mgr Bougaud dans sa vie de sainte Jeanne de Chantal, aussi tendre dans son affection maternelle qu’aimante dans son affection d’épouse.

Constatons d’abord que les grands saints ont, de fait, vécu de grandes affections, et qu’ils ne s’en sont pas excusés. Que l’on pense à un saint Bernard pleurant la mort de son frère Gérard : Nous nous aimions si tendrement pendant notre vie, d’un amour si doux et si tendre. […] Oui, c’est bien une mort, celle qui, ravissant une seule personne, en a tué deux d’un même coup ! (Sermon 26)

Saint Bernard de Clairvaux

Que l’on pense à un saint François de Sales écrivant à Jeanne de Chantal : Je me sens une suavité extraordinaire de l’amour que je vous porte, car j’aime cet amour incomparablement, fort, impliable et sans mesure ni réserve (Lettre du 7 juillet 1607), amour sans mesure, sans fin, hors de toute comparaison et au-dessus de tout ce qui s’en peut dire… (Lettre du 9 avril 1615), car il n’y a pas d’âmes au monde, comme je pense, qui chérissent plus cordialement, tendrement et, pour le dire tout à la bonne foi, plus amoureusement que moi ; car il a plu à Dieu de faire mon cœur ainsi. (Lettre de 1620)

 

Ces sentiments seraient-ils une simple concession à la faiblesse humaine ?

Mais pourquoi appeler faiblesse ce que nous ressentons tous comme la part la plus belle de notre existence ? Saint Bernard ou saint François de Sales n’ont fait que vivre ce que Jésus nous a ordonné de vivre : Mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ! Et comment nous a-t-il aimés : Si nous considérons le cœur de Jésus-Christ, rien n’est plus doux, rien n’est plus riche en bonté. Jamais créature ne put ni ne pourra lui être comparable en douceur. […] Plus que tout autre, son cœur fut sensible à la compassion, car personne n’éprouva plus que lui la tendresse de l’affection et de la pitié. (Richard de Saint-Victor, Traité De l’Emmanuel, II, 21) Et où trouver plus douce et plus totale déclaration d’amour que dans l’eucharistie, alors que le Bien-Aimé s’y donne à nous corps et âme au-delà de tout ce dont pourraient rêver tous les amoureux du monde ?

Alors, pourquoi cette méfiance si répandue envers les sentiments d’affection ? Plusieurs vous diront peut-être qu’il ne faut avoir aucune sorte de particulière affection et amitié, d’autant que cela occupe le cœur, distrait l’esprit, engendre les envies… (Introduction à la vie dévote) Oui, cela peut arriver. Mais doit-on cesser de se nourrir sous prétexte que cela peut rendre gourmand ?

Assurément, aimer est dangereux, et d’ailleurs Jésus-Christ en est mort ; mais il est bien plus certain que ne pas aimer est encore plus dangereux, et c’est pourquoi ceux qui sont entre les mondains et qui embrassent la vraie vertu, il leur est nécessaire de s’allier les uns aux autres par une sainte et sacrée amitié ; car par le moyen d’icelle ils s’animent, ils s’aident, ils s’entreportent au bien (idem) ; si bien que ce n’est pas une mince consolation en cette vie d’avoir quelqu’un à qui tu puisses être uni par une affection tout intime et un lien d’amour très saint, quelqu’un en qui ton esprit puisse se reposer et ton âme s’épancher, quelqu’un dont les bienfaisants entretiens te servent de refuge au milieu des tristesses. (Aelred de Rielvaux, Miroir de la Charité, III, 39)

Saint Fraçois de Sales

Mais l’affection d’un saint Bernard pour son frère, ou d’un saint François de Sales pour sainte Jeanne, va très au-delà de cette aide fraternelle, et constitue entre eux un lien véritablement « mystique », dont l’union de deux époux fournit une image encore insuffisante ; il s’agit en effet de ceux qui, par le pacte très précieux d’une amitié spirituelle, nous sont unis plus familièrement et plus étroitement que tous les autres, nous dirait Aelred. En effet, tu pourras reposer seul à seul avec un tel ami dans le sommeil de la paix, l’étreinte de la charité et le baiser de l’unité, la douceur de l’Esprit Saint s’écoulant de l’un à l’autre ; bien plus, tu pourras  être tellement uni et attaché à lui, ton esprit peut être tellement mêlé au sien qu’en étant deux, vous ne ferez qu’un. (idem) « La douceur de l’Esprit-Saint s’écoulant de l’un à l’autre… » : cette relation est celle du Père et du Fils, en laquelle subsiste le Saint-Esprit, en laquelle subsiste l’Amour donné et reçu tout à la fois.

C’est à cette unité que se référait saint Bernard ou saint François de Sales, et leur existence nous montre que bien loin de les isoler du reste du monde, cette relation privilégiée les a ouverts  à une multitude d’autres personnnes, et que l’amour le plus intense est en même temps le plus universel.

C’est cette universalité de l’amour qui fait de la voie d’affection une voie de perfection.

Certes, si l’on ne garde de l’affection que ce qui vient satisfaire notre appétit d’être aimé et de se l’entendre dire, elle vient nourrir la recherche de soi au détriment de quelqu’un dont on ne fait que profiter. Et lorsqu’elle n’apportera plus cette satisfaction, car enfin tout s’use ici-bas, cette affection disparaîtra.

Mais ce retournement de l’amour en égoïsme n’est pas fatal, et parce qu’une telle affection plonge ses racines très profondément en notre âme, la cultiver, et non pas l’exploiter, entraînera une dilatation du cœur, une générosité et une abnégation qui seront les plus puissants ressorts de la croissance spirituelle. C’est ce que nous verrons le mois prochain.

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  1. Evangéline

    Trés beau texte. J’ai lu

    Trés beau texte. J’ai lu aussi, sur la consolation et la désolation, très bon enseignement. Merci.

  2. Charlotte

    Magnifique ! Cat, aurais-tu

    Magnifique ! Cat, aurais-tu des exemples à donner de couples mariés qui ont été canonisés?

    • Cat-modératrice

      Il n’y a à ce jour que deux

      Il n’y a à ce jour que deux couples qui ont été béatifiés (l’étape avant la canonisation, mais c’est presque pareil) ensemble. Il y a eu un couple italien, Luigi et Maria Beltrame Quattrocchi, et les plus connus sont les bienheureux Louis et Zélie Martin, les parents de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus.

      • Cat-modératrice

        Les couples béatifiés en tant

        Les couples béatifiés en tant que couples sont fêtés le jour de leur mariage, et non le jour de leur mort comme les personnes béatifiées ou canonisées individuellement. Par ailleurs, il y a de nombreuses personnes mariées canonisée individuellement. Il y en a moins de que religieux, car dans le cas des ordres religieux, il y a la communauté pour faire toutes les démarches en vue de la canonisation.

  3. Charlotte

    Merci beaucoup pour ces

    Merci beaucoup pour ces exemples et explications… Ca alors, un couple de bienheureux, parents d’une sainte ! Quel exemple !

  4. Charlotte

    Je viens de lire une petite

    Je viens de lire une petite biographie de cette famille : ça vaudrait le coup qu’un réalisateur en fasse un film !

    En attendant que cela se fasse…

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